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 Je suis [Sanfamï] et je m'appelle [Lybie], et je me balade dans la vie!

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Liberté Sanfamï
Marchombre
Liberté Sanfamï

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Localisation : Une ville Cendre

Feuille de personnage
Origines: Gwendalavir; Bâtisseuse qui s'ignore
Age: 26 ans
Métier: Maitre marchombre sans apprenti (actuellement dans une ville Cendre à attendre les futurs Jurilians ;) )

Je suis [Sanfamï] et je m'appelle [Lybie], et je me balade dans la vie! Empty
MessageSujet: Je suis [Sanfamï] et je m'appelle [Lybie], et je me balade dans la vie!   Je suis [Sanfamï] et je m'appelle [Lybie], et je me balade dans la vie! EmptyMer 3 Juil - 9:41

Nom: Sanfamï
Prénom: Liberté
Age: 26 ans
Surnom: Lyb'

Absente à artir de demain jusqu'au 1er aout.

Elle halète, ses cheveux poissés de sueur lui collent au visage et le même fluide salé lui brouille la vue en se mêlant à ses larmes. Elle doit partir, ce besoin impérieux guide ses pas et permet à ses membres engourdis de fatigue de s’agiter encore faiblement. Elle laisse ses mains gercées et couverte de cal chercher en vain un appui sur les murs lisses, comme si même la pierre des cavernes de ses maitres souhaitait la faire souffrir. Elle tombe à genou, à bout de force, ses bras décharnés repliés sur son ventre à peine plus épais qu’il y a quelques jours mais qu’elle savait abriter un trésor de la vie. Pauvre créature qu’elle n’a pas désirée mais qu’elle ne peut malheureusement pas se résigner à abandonner, comme un vague souvenir d’un instinct d’une espèce animale dont elle n’a plus l’impression de faire partie. Elle est esclave, retenue par les ts’liches depuis tellement longtemps que sa peau presque translucide a oublié jusqu’à la caresse du vent. Le froid contact du sol empêche sa raison de lui échapper, et elle rampe à travers le couloir, misérable mais déterminée. Après de longues minutes d’effort qui lui semblèrent autant d’heure pour une distance ridiculement petite, un de ces horribles êtres vaguement humanoïdes tourna au coin du chemin, tenant dans sa main une longue chaine qui était reliée à un autre esclave humain. A sa vue, il eut un mouvement d’arrêt immédiatement suivi d’une vague de colère. Elle était prise, elle le savait. Tous ces espoirs pour son enfant s’écroulaient devant ses yeux d’un bleu fantastique qui se tournèrent, implorant, vers son semblable. Ce qu’elle y vit la glaça d’effroi et lui fit retrouver quelques forces. Elle y vit … un vide. Une absence immense, tel un gouffre autrefois habité par une âme mais qui désormais ne laissait place qu’à la servitude. Son regard la fixait sans la voir et elle eut la certitude qu’elle ne pourrait jamais voir ce même néant d’absolu dans le regard de la créature qui grandissait en son sein. Ses membres tremblant retrouvèrent un semblant de vigueur qui la fit se relever, chancelante, avant de l’entrainer vers une destination inconnue au hasard des couloirs de se labyrinthe souterrain. Son regain d’énergie fut de courte durée et elle se retrouva bientôt de nouveau à terre, rudement maitrisée par les solides bras écailleux d’un de ces geôliers. Elle eut une vague d’inquiétude au sujet des possibles traumatismes pour sa progéniture, mais laissa ses peurs de côté : elle n’était qu’au début de sa grossesse et seuls des détails et l’avis discret de la guérisseuse de son ancien village lui avaient permis de prendre conscience de son état. D’un coup précis sur le côté de la tête, il lui fit rejoindre le pays des songes avant de la faire porter par son esclave personnel jusqu’à la demeure de son propriétaire.
C’est donc dans une caverne sombre et humide, les fers aux pieds et une sérieuse bosse sur le crâne que la jeune femme ouvrit les yeux. Après un temps d’adaptation à la faible luminosité durant lequel ses paupières clignèrent furieusement, elle laissa échapper un soupir de détresse et une larme unique coula sur sa joue. Elle avait échoué et elle savait qu’ils ne la laisseraient plus sortir avant son accouchement : tel était l’inévitable sort des femelles humaines dédiées à la reproduction. Telle une bête dont le destin serait de fournir à ses possesseurs des dizaines de ses semblables.
Durant les longs mois qu’elle passa dans son cagibis exigus et glauque, elle tenta plusieurs fois de se laisser mourir, toujours freinée dans son élan par la présence des Ts’liches une fois par jour pour lui apporter de la nourriture et celle de la vie qui murissait dans son ventre. La pauvre pitance qu’on lui servait, sans doute droguée, les maintenaient tout juste en vie tout en l’empêchant de reprendre des forces.
Puis, le grand jour arriva.
Son maitre, sur le pas de la porte menant au refuge glauque et sordide, jetait un regard impassible sur la femme qui, hagarde, laissait les deux eunuques la porter vers sa chambre habituelle. Leurs mains glissaient sur le mélange de sueur et d’excréments qui la maculait mais aucun d’eux ne se permis la moindre remarque. Une fois arrivés là-bas, une guérisseuse humaine la lava à l’eau froide, aussi froide que le regard sans émotion qu’elle portait sur elle. La mère frissonna, en pensant qu’elle n’était plus pour le médecin qu’une tâche à accomplir. Ayant déjà deux autres bambins derrière elle, le travail se passa sans incident majeur et sa peur que son âge et ses mauvais traitements aient altéré la santé de sa fille se révéla infondée. Le premier cri de son enfant fut pour elle un véritable soulagement et l’inspection par son maitre du fruit de neuf mois de grossesse lui fit retenir son souffle. Puis, une fois sa fille dans ses bras, elle eut enfin l’esquisse d’un sourire, ce qui parut laisser tout le monde de marbre.
Peu importait.
Elle avait enfin son joyau : un troisième petit bout de femme qui allait, comme toujours depuis les débuts de l’esclavage des humains par les Ts’liches. Au moins, cela lui évitera de finir comme elle, comme une vache destinée toute sa vie à fournir à son propriétaire des copies de sa propre personne jusqu’à ce que son âge ne lui permette plus d’enfanter et qu’elle soit finalement conduite à l’abattoir.


Trois se tenait derrière sa mère, se cachant de cet énorme lézard qui la regardait avec un regard sans émotion, tentant de se cacher entre ses jambes alors qu’Ombre, le visage aussi impassible que celui de son maitre, la décrochait par des gestes implacables mais sans méchanceté et de la remettre à son maitre. Malgré l’obéissance qu’elle affectait devant Ombre, toutes les deux savaient qu’elle préférait largement quand c’était sa véritable mère qui prenait le contrôle de son corps. La figure impassible, guidée par une obéissance absolue à ces croisements entre un lézard géant et une mante religieuse qu’elle considérait comme ses maitres, était peu à peu apparue depuis que Trois avait environ un an. Survenant d’abord au retour de sa mère de son épuisante journée, elle s’était faite de plus en plus présente, ne laissant bientôt que de courts moments de répits à celle qu’elle considérait comme sa véritable mère. Malgré l’inversion des rôles, Trois n’avait jamais douté qu’elle n’était que l’Ombre de sa mère, gardant en mémoire les longues soirées passées aux côtés de sa génitrice, écoutant sa voix douce et chaude à travers un demi-sommeil. Ombre donc, qui la remit entre les pattes effrayantes de la créature affreuse en compagnie de laquelle elle allait passer la majorité de ses journées. Telle était sa tâche, lui avait-elle expliquée pendant la semaine qui avait précédé, en tant que sa troisième fille, elle devait obéir aux Ts’liches en toute occasion avec, en contre partie, l’assurance de ne jamais devoir, comme elle, être engrossée pour livrer ses rejetons aux mains de ses créatures démoniaques. Dans la bouche de son substitut de mère, ces monstres des enfers étaient des maitres bienveillants qui leur laissaient la vie pour un travail modique ; et c’était cette basse servilité qui marquait la différence entre sa véritable mère et Ombre et qu’elle détestait par-dessus tout. Un alavarien classique aurait sans doute sourit devant cette affirmation, mais l’esclavage qu’elle subissait depuis son premier souffle lui avait appris une chose : la rancœur. Elle était tout autour d’elle : dans les paroles de sa mère, dans les gestes de ceux qui l’entouraient, dans les infimes détails que ne voient que les yeux des enfants. En effet, qui surveillerait son attitude face au visage rebondi d’une gamine de deux ou trois ans ? Les « ombres » des hommes étaient jetées à bas et les gestes secs et crispés montraient bien à quel point ses semblables présents ici auraient tout fait pour être ailleurs.
Elle apprit donc en cette première journée toutes les tâches qu’elle aurait à effectuer, ce qui se résumait à rester auprès de son maitre et d’obéir à sa moindre demande. Au moins, lui avait dit sa mère, elle ne resterait pas avec les autres femmes à travailler dur toute la journée pour maintenir en état la demeure. Elle les voyait parfois passer du coin de l’œil, glissant de leur pas de fantômes sur le sol lisse comme une plaque de verre et faisant tout pour éviter le Ts’liche. La réponse à cet étrange comportement lui était apparue quand elle avait cinq ans : une jeune femme, les gestes alourdis et rendus maladroit par de lourds seaux d’eau, elle ne fut pas assez leste pour se tenir hors de la vue du lézard alors qu’il tournait dans l’angle du couloir. Cet affront serait passé inaperçu si, dans sa hâte et sa fatigue, elle n’avait pas par maladresse renverser une partie de l’eau par terre, déclenchant la furie de son maitre qui sortit une arme nouvelle qui marqua Trois à jamais. Un manche de cuir dont la poignée polie montrait la fréquente utilisation était garni d’une multitude d’autres lanières dont il se servait pour frapper le dos dégagé de la pauvre malheureuse. De profondes entailles fleurissaient sous ses coups et les cris stridents de l’esclave se gravèrent dans la mémoire de la jeune fille et sa sourde rancœur ne s’en fit que plus vive. Elle avait appris la haine. Cette même haine profondément ancrée en elle qui ne la fit que détester plus intensément les supplications de la femme battue et de toutes les « ombres »qui détournaient le regard et lui répétaient de s’incliner devant Eux.
Quoiqu’il arrive, elle ne pleurerait pas, ne demanderai pas pitié comme cette larve qui se donnait le nom d’humain.
Oui, humain. Pas mâle, pas femelle, pas esclave : elle se considérait comme un être humain, comme le lui avait si souvent répété sa mère. Avant.

Huit ans, Trois, qui a déjà passé la moitié de sa vie aux côtés de son maitre, a de plus en plus de mal à fermer les yeux sur les injustices dont elle est le témoin muet. Mais un évènement inattendu changea agréablement son quotidien macabre : la guerre. Les alavariens, de plus en plus féroces, obligent quelques Ts’liches à quitter leur retraite protégée pour rejoindre le front. Par bonheur, son maitre en faisait partie et elle eut la joie de redécouvrir un plaisir dont des générations avant elle, enfermée à vie dans des réseaux de souterrains, avaient été privées : le soleil. Quand elle fut pour la première fois doucement caressée par ses rayons matinaux, elle aurait sans doute hurlée de peur si son maitre n’avait été à côté d’elle. Sa détermination de ne surtout pas s’abaisser à montrer un quelconque sentiment devant le monstre qui lui servait de propriétaire n’avait pas faiblie et elle se retint donc. Après quelques minutes passée dans le halo doré de cette drôle de lueur, elle se détendit, doucement réchauffée par la lumière d’un magnifique matin d’été. Durant une semaine de voyage qu’elle passa à pied à trottiner à côté du lézard, elle découvrit enfin un monde de couleur et de vie, si tant est que le paysage désolé des marécages du royaume Raïs était un univers vivant… Mais pour une jeune fille qui n’a jamais vu que des murs lisses et une lumière artificielle, la moindre fleur, aussi banale vous semblerait-elle, était un objet de perpétuel émerveillement. Les yeux et les oreilles grands ouverts, elle enregistrait une foule d’information, attendant avec impatience le moment béni où Ombre laisserait enfin place à sa véritable mère et où elle pourrait assouvir sa soif de connaissance en l’assommant de questions auxquelles elle répondrait tantôt d’un air grave, tantôt en riant et en s’émerveillant de l’esprit coloré de sa progéniture.
Le quatrième jour, arriva un nuage noir comme ses cheveux qui la fascina plus qu’il ne l’apeura malgré ou peut-être à cause de la lueur de mécontentement qu’elle avait vu passer tel un feu follet dans les yeux de son propriétaire. Ce qui le dérangeait était si rare qu’il valait la peine de s’y intéresser, aussi menaçant soit-il. Elle attendit toute la journée avec impatience que la couverture sombre et moelleuse recouvra le ciel avant d’admirer avec fascination le curieux spectacle de la pluie. La première goutte qui mouilla sa joue, froide et douce, lui laissa un sillon clair sur la peau et s’amusa à suivre le contour de son sourire béat afin de s’infiltrer entre ses lèvres. Quand ses sœurs la suivirent, Trois laissa malgré elle sortir un petit cri de joie dont personne ne fut témoin grâce au tonnerre qui rugit au loin. La fugitive lumière blanche laissa dans ses yeux de petits points lumineux mais le sourd grondement qui semblait sortir des entrailles de la terre fit résonner son cœur du même battement. Alors que ses compagnons de voyage, stoïques et amorphes, s’étaient assis pour la nuit en tentant d’ignorer la main glacée qui s’abattait sur eux, la jeune fille, elle, joua avec l’eau qui tombait du ciel en un rideau de fer et dansa sous les torrents qui se déversaient sur elle et laissaient apparaître une peau de lait qui avait, de part les longues journées de marche sous le soleil, commencé à se parer d’ambre. Sa joie atteignit son paroxysme quand, libérée de la contrainte d’Ombre, sa mère vint se joindre à elle pour effectuer des cercles sous le couvercle du ciel, leurs cheveux de la même teinte sombre faisant voltiger des gouttelettes à la cantonade et leurs yeux d’un bleu indescriptible se liant dans une brève étreinte au gré de leurs rondes. Dans se moment d’intime complicité, Trois retrouva une joie cachée, un bonheur enfantin qui n’attendait que ce moment pour surgir en elle et lui rendre sa nature humaine, volée par les Ts’liches. Cette vague irrésistible la surmonta et cette nuit, aussi courte fut-elle pour les deux parentes, n’en fut pas moins d’une intensité rare sur ses terres marécageuses.
La douche forcée accompagnée du lien renoué avec sa mère firent le plus grand bien à Trois et la galvanisèrent pour lui permettre de continuer le voyage malgré la fatigue. Elle ne rechigna pas sous l’effort mais c’est avec soulagement qu’elle aperçu enfin le camp militaire, empli de l’agitation désordonnée des guerriers porcins qui lui arracha une grimace de dégout, qui les attendaient au pied d’une chaine de montagne qui semblait toucher le ciel et attirait inexorablement le regard et le cœur de Trois. C’est donc avec une joie immense qu’elle accueillit la proposition de sa mère, une fois la nuit bien avancée, de se promener le long de la paroi de pierre. Elle ne se doutait pas que cette simple balade allait lui apporter bien plus qu’un répit de courte durée.


Elle la sent, tout prêt, à l’affut, testant la muraille qu’elle a érigée autour de son esprit pour garder le contrôle. La petite main de sa fille dans la sienne est comme un phare dans la nuit qui la guide plus que la lumière de la lune au-dessus de leurs têtes.
Jamais de toute sa courte existence elle n’aurait cru cela possible.
La chaine du Poll lui tend les bras et elle sait de par sa mère que, si elle la suit vers la droite, elle atteindra une forêt millénaire. Sous cet enchevêtrement de branches sombres vivaient un peuple parait-il accueillant qui, elle l’espérait vivement, l’aiderait à rejoindre les terres libres. Le chemin dura de longues heures qui lui parurent autant de jours durant lesquelles sa jeune fille resta silencieuse, observant de tout son saoul et savourant le chemin qui défilait sous ses pieds. A peine lui posa-t-elle quelques questions sur son environnement qu’elle avait appris à connaître tout au long de leur périple mais jamais, et elle lui en fut infiniment reconnaissante, jamais elle ne lui demanda leur destination. Qu’aurait-elle pu répondre de toute façon ? Un rêve ? Un espoir ? Une forêt inconnue où elle tentait de trouver une main accueillante ? Les dernières personnes de sa famille à l’avoir vue de leurs propres yeux ne sont plus qu’os à présent et elle serait bien en peine de se montrer assurée. Elle sentit Ombre qui rodait à la limite de son esprit, profitant de ses moindres moments de faiblesse pour ralentir son pas, aussi se concentra-t-elle uniquement sur le chemin qu’elle parcourait, chassant de son esprit les notions de temps et de distance.
« Nous allons y arriver. »
Cette phrase simple et chargée de promesse était une supplication silencieuse adressée aux étoiles qui la regardaient d’un œil conspirateur. Sa patience et sa ferveur furent récompensées par une pâle lueur devant elles qui était signe du jour à venir et leur permettait de distinguer la masse informe et sombre qui leur faisait face et se détachait maintenant avec l’ombre de la montagne. La forêt. Quand, quelques longues minutes plus tard, le soleil leur fit enfin signe et illumina de vert leur refuge, toutes deux laissèrent échapper un cri d’émerveillement. Le vert lumineux de la canopée se dégradait peu à peu en toutes les nuances possibles et imaginables qui ravirent l’œil et le cœur des fuyardes. Après s’être longuement abreuvée de ce spectacle, les lèvres de sa tendre fille se mirent en mouvement et un flot continu de questions sorti de cette fine ouverture, lui laissant à peine le temps de répondre. Elle finit par éclater de rire, coupant court à la prochaine interrogation qui mourut sur les lèvres de Trois, remplacé par une expression mi-interrogatrice mi-joyeuse alors qu’elle lui demandait la raison de ce fou rire.
« Le plus grand sage du monde n’aurait pas la réponse à tes questions, ma puce, et la plupart d’entre elles demandent des réponses qui ne doivent émaner que de toi. Profite de ta liberté de corps pour construire ta liberté d’esprit. »
Sur ce et après un sourire éblouissant, elle hissa sa fille sur les épaules et lui permis de découvrir le monde de plus haut encore, lui arrachant une exclamation émerveillée. Elles parcoururent sans se presser la distance qui les séparait encore de leur but, découvrant peu à peu les multiples détails de la Forêt Maison. Elle expliqua longuement, à voix basse, toute l’histoire de leur famille à sa fille, lui narrant ce qu’elle savait du voyage dans les montagnes qui les tutoyaient et leur vie auprès des Petits. Bientôt, le chant des oiseaux présents dans les ramures des arbres leur parvint et elles se turent, savourant en silence ce moment de paix et l’infini qui s’ouvrait devant elles.
Une fois entrée dans l’ombre rafraichissante des arbres, elles observèrent avec attention leur environnement en appelant d’une voix claire les Petits à se montrer, tentant par là de gagner leur confiance en montrant leur évident désir de paix.


Le grand Boulouakoulouzek, confortablement installé dans son fauteuil en feuille, poussa un profond soupir : le ventre distendu par un saladier entier de framboises, il laisse ses pensées partir à la conquête de terres inconnues. Tandis qu’il grignotait pensivement quelques framboises, un Petit surexcité entra en trombe dans la pièce, coupant court à sa réflexion.  Le sonneur de tronc-relais, aussi joyeux que si des framboises s’étaient mises à tomber du ciel, lui expliqua d’un discours sans queue ni tête qu’un duo d’humains se promenait dans sa forêt et souhaitait visiblement les rencontrer. Elles, car il s’agissait visiblement de deux femmes, étaient dépenaillées et affamée mais ne laissaient entrevoir aucune intention hostile.
« Il y a décidément beaucoup d’humains dans ma forêt ses derniers temps, se dit-il en se rappelant la troupe de voleur qui avait tenté de s’emparer d’Ilfasidrel il y a plus de 10 ans de cela. »
Il refusait de courir de nouveau un tel risque et ordonna que l’on cache immédiatement le joyau dans ses appartements privés avant de se lever de son fauteuil. Les inconnues seraient visiblement là dans quelques heures et il devait préparer des appartements et des réserves assez loin de leur trésor mais assez près pour qu’elles soient surveillées. Il hésita un instant : ne pouvaient-ils pas simplement les ignorer ? Peut-être passeraient-elles leur chemin…
« Non, décida-t-il, puisqu’elles connaissent déjà notre existence, autant les accueillir. Et puis, peut-être sont-elles honnêtes cette fois-ci… »
C’est ainsi que, quelques heures plus tard, après avoir soigneusement donné toutes les directives à ses citoyens à savoir de ne parler sous aucun prétexte des arbres-passeurs, d’Ilfasidrel et de magie en général, le chef des Petits, les feuilles de son chapeau quelque peu noircies par la sueur qui perlait sur son front, accueilli les deux humaines aux portes de son village. Sans doute n’avaient-elles pas perçu les manœuvres discrètes des Petits pour les conduire jusqu’ici car un air étonné et ravi se peignait sur leur visage. Elles étaient telles qu’on les lui avait décrites : leurs vêtements en lambeaux et leurs joues émaciées témoignaient des mauvais traitements qu’elles avaient subis et une pointe de compassion naquit dans l’œil de Boulou tandis que la plus petite des deux, tremblante, se réfugiait derrière les jambes de sa compagne qui se campa sur ses jambes pour se présenter à eux.
« Bonjour à vous, peuple des Petits, nous sommes deux esclaves des Ts’liches qui nous sommes échappées et désirons votre aide pour retourner de l’autre côté des montagnes. »
Il poussa un imperceptible soupir de soulagement en constatant que son sort de traduction fonctionnait bel et bien mais le retint en entendant la fin de sa phrase. Tient donc ! Heureusement qu’il avait fait passer la consigne de le laisser parler car il était sûr que plusieurs de ses amis auraient déjà vendu la mèche. Et puis quoi encore ? Il n’allait pas livrer leurs secrets à touts les humains qui se promenaient dans la Forêt Maison ! Il tenait par-dessus à conserver la tranquillité de son domaine et ne tenait surtout pas à voir débarquer à l’improviste tous les humains de Gwendalavir. Il se contenta de sourire d’un air gêné avant de les conduire aux tables recouvertes que menues victuailles qu’il avait fait préparer à leur intention et profita du temps qu’elles mirent à manger pour les observer pensivement en réfléchissant furieusement, réfrénant son envie de soulever son chapeau pour se gratter le sommet du crâne. Pourquoi tout devait-il toujours se passer selon ses pires prévisions ? Il en voulait pas l’admettre, mais les yeux aux nuances de bleus incroyables de la petite qui le fixaient le mettait mal à l’aise et lui rappelait étrangement la petite Ipiu. Il ne pouvait ni les garder ici, ni les envoyer à la mort consciemment et encore moins les faire rentrer chez elles. Cette option n’avait jamais été envisageable et il refusait catégoriquement d’y céder sous la pression de ces yeux. N’ayant à la fin du repas toujours aucune idée, il décida de les laisser se reposer dans les chambres prévues pour elles, en bordure de village. Alors qu’il observait en silence le visage détendu de la petite et celui plus tourmenté de celle qui semblait être sa mère, une idée germa dans son esprit. Il fit demi-tour d’un mouvement brusque et convoqua en silence les Petit de son village. Une esquisse de sourire passa sur son visage tandis qu’il expliquait son plan : malgré la tension qui se lisait en lui, il s’amusait follement.


C’est en sentant le doux balancement de son support et en entendant les grognements de ses porteurs que la mère de Trois entrouvrit les yeux. Ses vieux réflexes de survie ne l’avaient pas trompée : elle était allongée sur un brancard fait de feuilles et de branches, porté par six Petits qui  haletaient sous le poids de la charge. A travers ses cils, elle voyait devant elle un groupe plus petit qui devait accueillir sa fille. Elle était intérieurement déroutée par l’attitude mesquine de ces êtres si accueillants au premier abord, et elle sentit son dernier espoir sombrer sous une vague d’Ombre. Elle se reprit en serrant le poing jusqu’à se faire blanchir les phalanges sans se soucier que les êtres qui l’entouraient puisse la démasquer. Elle hésita sur la conduite à tenir : sauter au bas du brancard et s’emparer de sa fille pour se mettre en sûreté ou attendre et voir ce qui allait se passer au risque de se retrouver de nouveau chez les Ts’liches ? Elle se détendit : après tout, si elle tentait de s’échapper, ils finiraient tôt ou tard par la retrouver, cette forêt était après tout leur domaine et elle commençait à douter en se fort intérieur de leur passivité dans la découverte de leur village. Mais, s’ils les avaient laissées approcher, pourquoi les livrer ensuite ? L’arrêt de leur convoi la tira de sa réflexion et elle se concentra sur son environnement. Autour d’elle, rien de particulier n’attira son attention : les feuilles et les branches étaient toujours des mêmes nuances de verts et le soleil avait à peine avancé dans le ciel. Elle tenta d’en savoir plus mais les voix chantantes de ses porteurs la stoppèrent net. Ils ne parlaient donc pas l’humain ? Quel était ce sortilège…
Elle passa de surprise en surprise quand ils se placèrent auprès d’un arbre qui n’avait rien à envier à ses voisins, ses porteurs avaient réduit leur nombre à deux  qui ne faisaient que la tirer. Elle affuta ses sens jusqu’à percevoir un doux battement auquel son cœur s’accorda naturellement, la laissant perplexe. C’est au moment où elle se sentit s’enfoncer dans l’écorce que ses yeux s’ouvrirent en grand et qu’elle roula sur le côté, sautant au bas de son transport pour atterrir sur un sol qui n’en était pas un. D’une blancheur éclatante, son nouvel environnement était parcouru de route qui menaient à des paysages aussi divers que surprenant. Son cœur s’emballa et ses membres tremblaient tandis que, son cœur battant la chamade, elle tourna sur elle-même dans un fol espoir de découvrir que tout cela n’était qu’un rêve mais elle ne pu retrouver une quelconque trace de sa fille et de ses porteurs : elle était seule et perdue dans un arbre. Un rire fou s’échappa de ses lèvres tandis qu’elle se sentait dériver, lentement mais sûrement, dans un infini qui n’avait pas de nom. Sa conscience se délita en fines banderoles qui voletèrent un instant sous son regard vague avant de l’abandonner et elle s’endormit d’un sommeil sans retour alors que son corps se décomposait lui aussi dans le vide.
Sa pauvre petite qui allait finir seule.
Car elle était morte… dans un arbre.


Les yeux de Trois clignèrent furieusement pour s’habituer au changement de lumière qui était survenu entre la douce ombre d’un sommeil réparateur et la franche lumière du soleil au-dessus d’elle. Les voix agitées qui se chamaillaient dans une langue inconnue autour d’elle lui donnèrent le tournis et elle se redressa pour tenter de se repérer. Elle avait manifestement quitté l’abri protecteur des arbres pour une clairière fleurie qui chatoyait sous les derniers rayons du soleil d’été. Elle avait donc dormi tout ce temps ? Elle chercha sa mère du regard et tombe nez à nez avec un Petit qui la regardait avec crainte et elle s’aperçu à ce moment là que les voix avaient cessées. Elle lui demanda d’une voix anxieuse où elle se trouvait et surtout où était sa mère mais son interlocuteur lui répondit dans un babillage inintelligible. Allons bon, ne savait-il plus parler correctement ? Elle lui fit signe qu’elle ne comprenait pas et arriva à se faire comprendre en se désignant puis en signifiant une haute taille. Les regards gênés qu’ils s’échangeaient lui firent redouter le pire et, quand il secoua la tête d’un air désolé, elle cessa de respirer. Des larmes lui montèrent aux yeux, comme surprises de retrouver leur place après s’en être vue refuser l’accès pendant de nombreuses années, et coulèrent lentement sur sa joue, lui rappelant presque douloureusement le souvenir de la pluie. Elle sauta sur ses jambes et commença à secouer le Petit en l’assommant de paroles qu’il ne comprenait visiblement pas avant de tomber à genou pour verser toutes les larmes de son corps. Se balançant d’une jambe sur une autre, les Petits la regardaient sans savoir quoi faire : la disparition de la mère de la fille ne faisait visiblement pas partie du plan et ils hésitaient sur la conduite à adopter : la laisser seule était impensable, tout autant que la ramener au village et certains parlèrent de l’assommer afin de la faire revenir chez les Petits. Cette proposition était toujours débattue quand arriva un jeune homme à la démarche souple et assurée qui s’avançait franchement vers eux, visiblement plus curieux qu’agressif. Effrayé par cette apparition qu’ils n’avaient pas senti approcher, les Petits s’égaillèrent entre les arbres proches, grimpant ou slalomant dans les broussailles avec l’intention évidente de s’échapper. Ils ignoraient visiblement qu’il aurait sans peine pu tous les retenir mais son attention se concentra sur la jeune fille en larme près d’un arbre. Son corps fin était secoué de sanglots et il lui donna moins d’une dizaine d’années quand son regard perdu et embué de larmes se tourna vers lui. Il posa une main rassurante sur son épaule avant de la faire venir à lui pour la serrer dans ses bras en lui murmurant des paroles apaisantes. Ses douces mains qui glissaient sur ses cheveux de jais et les calmes battements de son cœur finirent par endormir Trois qui se réfugia avec bonheur dans l’oubli du sommeil qu’elle aurait aimé ne jamais quitter.
Quand elle rouvrit les yeux, la nuit était tombée et elle était couchée près d’un feu de bois, une couverture la protégeant du froid relatif et la clairière de son arrivée comme paysage. Le souvenir de la disparition de sa mère lui fit remonter les larmes aux yeux et elle se recoucha, le ventre noué et le cœur noyé sous le chagrin.
La faim avait relayé la tristesse et le soleil, la douce lueur des étoiles quand Trois ouvrit pour la troisième fois les yeux sur le paysage paisible de la clairière. L’homme qui l’avait consolée était assis non loin, les yeux fermés et les mains gantées posées sur les genoux, il semblait dans un état de semi-conscience. Les longs cheveux cascadaient le long de son dos, si fins et aériens qu’un simple souffle de vent suffisait à les faire voltiger autour de lui. Son oreille gauche était percée et une boucle d’oreille en forme d’aigle stylisé épousait la forme de son oreille. L’éclat de l’onyx qui la constituait semblait faire écho à celui des quelques boucles métalliques qui fermaient sa tenue de cuir aussi sombre que la nuit qui enlaçait son corps dans un étau souple et parfaitement ajusté. Un poignard dont la poignée était ornée de métal façonné de telle sorte qu’on eut dit des écailles de serpent pendait à sa ceinture. Une fois qu’elle l’eut observée tout son saoul, elle s’assit sur sa couche et se concentra plutôt sur son environnement. Alors qu’elle venait d’apercevoir un tas de fruits posé sur une grande feuille d’arbre, un mouvement à la périphérie de son champ de vision lui fit vivement tourner la tête. Son consolateur avait ouvert les yeux et l’observait d’un regard de glace qui la laissa figée.

Ses yeux contenaient un dégradé de gris qui commençait dans un cercle autour de sa pupille pour finir par un cercle de nuit à l’extérieur de son iris et la retenaient avec l’efficacité de barreaux d’acier en semblant lire son âme. Tel un chat sauvage effrayé et perdu, elle tenta de construire autour de son esprit des barrières qui volèrent telles des fétus de paille sous l’impulsion d’un mot.
« Bonjour. »
Sa voix était chaude et posée, en parfait contrepoint avec son agitation interne et lui rappela la chaleur d’un feu. Ce n’est qu’à ce moment là qu’elle s’aperçu qu’elle avait retenu sa respiration et libéra l’air qui lui brûlait la poitrine. Ses sens, prisonniers d’une cage d’air, lui revinrent tout à coup et le chant des oiseaux autour d’elle la fit sursauter. Puis, se rappelant qu’il l’avait saluée, elle humecta ses lèvres sèches et répondit d’une voix plus aigue et vive qu’elle n’aurait voulu. Cet homme la rendait nerveuse et sa gentillesse lui rappelait tant celle des Petits qu’elle éveillait en elle un voile de méfiance. De plus, elle ne connaissait rien aux humains libres et peut-être ses manières douces masquaient-elles une volonté de destruction. Et pourtant, elle était là, face à lui, les yeux dans les yeux et elle sentait en lui une certaine compassion. Sentait ou voulait sentir ? Le sommeil l’avait rendue amorphe et elle se méfiait de son état qui, s’il lui permettait de tenir à distance la douleur, signifiait aussi qu’elle était beaucoup plus vulnérable.
« Si tu as faim, il y a un plateau de fruits là-bas. »
Quand son regard la quitta, elle pu enfin retrouver sa liberté de mouvement et elle se tourna vers l’endroit indiqué. Gardant prudemment l’inconnu dans son champ de vision, elle se déplaça en crabe pour engloutir les réserves de mûres et de cerises qui reposaient sur une large feuille d’arbre.


Tandis qu’elle mangeait, il sentait son regard scrutateur et effrayé sur lui. Cette jeune fille faisait résonner en lui un curieux sentiment de compassion. Il avait reconnu en elle une peur obscure, comme un voile qui enveloppait son esprit, la coupant du monde. Ce même voile qui avait fait sombrer sa sœur une fois leurs parents disparus… Ce qui expliquait sans doute qu’elle se retrouve seule et triste au milieu d’une forêt. Quoique, le lieu était un peu étrange tout de même, car la forêt de Barail n’était pas si dangereuse que ça d’autant qu’ils étaient à une demi-journée de marche d’Al Far. Il se leva dans un soupir et vérifia d’un coup d’œil que tout était rangé avant de se tourner franchement vers la petite.
« Viens, lui dit-il en lui tendant la main afin de l’aider à se relever. Je vais t’emmener chez des amis à moi où tu trouveras un lit et un couvert. »
Il savait que Myst et Maiata se feront un plaisir d’accueillir une petite fille puisqu’eux-mêmes ne pouvaient pas avoir d’enfants et que cela leur pesait terriblement. Ils habitaient une ferme un peu au nord de la ville et la petite communauté qui habitait dans le hameau donnerait à cette fillette perdue l’abri sûr dont elle aurait besoin pour se remettre de ses émotions et se réintégrer à la société humaine. Une société saine et en ébullition, bien différente de la bande de voleurs malsains dans laquelle sa sœur avait sombré et il eut un petit pincement au cœur en y pensant. Mais il se secoua et s’éclaircit les idées : il avait accepté depuis longtemps que revenir sur le passé ne servait à rien, autant ne pas faire un pas en arrière dans son apprentissage alors que la fillette avait besoin d’un appui stable.
Il tourna de nouveau ses pensées vers la créature qui l’observait de ses grands yeux d’un bleu fantastique. A sa grande surprise, elle refusa. Il comprenait son désir de solitude, mais rester isolée était le pire qu’il puisse lui arriver. A moins qu’elle ne lui fasse pas confiance… Ce qui était logique vu sa situation mais pas très profitable pour elle. Il hésita un instant sur la conduite à suivre : la manière douce ou la manière forte ? En observant la lueur de défi qui brillait dans ses yeux, il choisit la seconde méthode car il n’avait pas le temps de tergiverser : la caravane partait dans quatre heures et c’était à peine suffisant à présent pour qu’il fasse le détour. Il s’approcha donc, les mains ouvertes et s’accroupit à distance respectable, comme pour discuter. Il sentait que le corps de la jeune fille était aussi tendu que la corde d’un arc et il esquissa un soupir en pensant au futur travail que devrait accomplir ses amis. Dans un mouvement infiniment lent, il s’approcha à pas de loup sans la quitter des yeux, tentant par son regard de lui transmettre un peu de confiance. Quand il fut assez très, il l’assomma d’un coup vif et précis sur le côté du crâne et la rattrapa alors qu’elle tombait telle une fleur coupée. Il la hissa sans difficulté sur ses épaules en s’étonnant de sa légèreté puis, d’un pas énergique et fluide, il se fondit dans la forêt tel un esprit sylvestre.

Gyl s’étira longuement, perché sur sa jument alezane qui répondit à sa fatigue en renâclant. Oui, ils étaient presque arrivés chez Maiata et, il se l’avouait sans honte, il pensait plus que mériter un bon bain chaud et une table bien garnie qu’il savait y trouver. Et surtout, il souhaitait voir si la petite qu’il avait trouvé deux ans plus tôt s’était bien intégrée au groupe. Les sociétés isolées telles que celles là forment des clans protecteurs mais très fermés et il espérait qu’elle avait pu s’y faire une place. Sans qu’il sache pourquoi, il avait quelques fois pensé à elle lorsqu’il voyageait aux côtés de caravanes. Alors qu’il arrivait enfin en vue de la lumière des édifices, il poussa sa jument au petit trot, impatient tout comme elle de retrouver un toit. Quand il entra dans la cour de terre battue, une foule de bambins souriants l’entoura, avide comme toujours de ses extraordinaires histoires et il chercha parmi eux une frimousse qui ressembla à celle qu’il avait tant observé cette fameuse nuit. Mais nuls yeux bleus comme la rivière Ombre et chevelure de jais et une étincelle d’appréhension traversa son regard d’acier. Il conserva toutefois son sourire discret, cherchant des yeux les adultes qui devaient garder cette marmaille chahutante. Il finit par les apercevoir et son sourire s’élargit, d’autant que la jeune fille qu’il avait tant cherché était apparue au son des cris de bienvenue. Son expression hésita un instant entre joie et colère et elle finit par opter pour un sourire sadique qui fit s’élargir le sien. Sans doute allait-elle vouloir lui parler de la manière quelque peu expéditive grâce à laquelle il l’avait amenée ici mais il se réjouit de ne pas la voir assise dans un coin avec le regard mélancolique qui l’avait tant fait souffrir quand il l’avait vu prendre possession de sa sœur. Il sauta à bas de sa monture et demanda gentillement un peu de place pour pouvoir la faire circuler jusqu’aux écuries où il savait qu’elle était toujours la bienvenue. Il nota avec plaisir que les stalles étaient bien remplies et que de nombreuses vaches se faisaient entendre à travers le bois.
Après un repas bien copieux durant lequel il échangea blagues et histoires épiques avec l’assistance sous le regard tourbillonnant de l’inconnue. Malgré son évidente envie de lui parler, elle se contentait d’écouter, assise à la table avec les adultes plutôt qu’avec les enfants qui jouaient quelques dernières minutes. Sans doute n’auraient-ils pas le temps de discuter ce soir mais il ne se faisait pas trop de soucis à ce sujet : il comptait repartir au mieux après demain et, avec les quelques pièces qui lui restaient, il pourrait sans doute voyager pendant quelques mois sans problème. Il pouvait certes chasser mais il se sentait une envie de compagnie en ce moment.
Une fois les enfants envoyés au lit, les adultes abordèrent des sujets moins frivoles tels que leur avenir ou la gestion de leur hameau. A la fin de la discussion, alors que le groupe s’égaillait, Gyl sortit à pas de velours afin de vérifier si sa jument n’avait besoin de rien et fut surpris quand il entendit un pas léger se diriger vers lui. Il attendit dans l’obscurité, caressant doucement les naseaux de Brume, scrutant la silhouette sombre qui se détachait sur la clarté des étoiles. Fine et élancée, sa tête arrivait à peine au-dessus de la porte de la stalle ce qui lui fit immédiatement penser à la jeune inconnue. Qui d’autre violerait le temps de repos des enfants pour le rejoindre ? Il se demanda intérieurement quel âge elle avait, sans doute une petite dizaine d’année. Quand elle ouvrit le box et s’arrêta sur le pas de la porte, laissant à ses yeux le temps de s’habituer à l’obscurité. Quand elle distingua enfin sa silhouette, elle plaqua ses poings sur les hanches de manière menaçante et il imaginait sans peine la lueur de défi qui devait illuminer son iris.
« Tu es en retard. »
Sa voix avait perdu la peur qui pointait autrefois et il sourit dans l’obscurité.
« Il ne me semble pas avoir convenu d’un rendez-vous avec vous, mademoiselle dont j’ignore le nom. »
Sa réponse semblait l’avoir déstabilisée d’après son temps d’hésitation mais elle reprit contenance et croisa les bras.
« Et tu n’as rien fait pour le mériter. Tu ne trouves pas que deux ans d’attente c’est un peu long ? Tu m’as abandonnée ici !
- Tu ne t’y plais donc pas ?
- Bien sûr que non ! Les enfants et les adultes me prennent de haut et je dois continuellement rester enfermée au sein de la palissade !
- Pour cette dernière, il me semble qu’elle est plus efficace ainsi et pour ce qui est de la communauté, avez-vous au moins fait un effort d’intégration ?
- Je n’ai appris cette langue que pour pouvoir échanger avec les autres mais ils sont trop différents pour que nous ayons une conversation utile et je ne peux plus supporter leurs gamineries.
- Et qu’est ce qui vous a retenu ? »
Une vague inquiétude l’avait saisi mais il s’ne débarrassa d’un mouvement d’épaule : par sa propre volonté ou par la force des choses, elle finirait bien par s’intégrer au mélange de générations qui vivait ici, ne serait-ce que par le mariage. Néanmoins, ses envies de fuite ne présageaient rien de bon et il préférait régler le problème puisqu’il semblait la seule personne à qui elle en avait parlé. Pourquoi lui accordait-elle si soudainement sa confiance alors qu’il avait du l’assommer pour qu’elle le suive ?
« Ton évidente incapacité à être ponctuel. »
Sa remarque lui tira un rire franc. Décidément, cette petite fille n’avait pas froid aux yeux et savait ce qu’elle voulait, ce qui était plutôt rare pour une petite aussi jeune. Il caressa un instant l’idée de l’emmener puis la repoussa d’un geste ferme. Pas question qu’il s’encombre d’une gamine, si elle voulait vraiment voir du pays, elle attendrait bien quelques années de plus, le temps de se remplumer.
« Désolée ma petite, mais je n’ai aucune envie de t’emmener avec moi.
- Alors je n’aurai qu’à te suivre.
- Si tu le fais, je te renverrais immédiatement là où est ta place : entre ces murs sous la surveillance de Maiata et Myst.
- Si tu le fais, je m’échapperai de nouveau dès qu’ils cligneront des yeux. »
Sa surprenante détermination lui tira un sourire mais il se devait de camper sur ses positions. Ne serait-ce que pour elle : une vie d’aventure et de voyage n’était pas adaptée pour une enfant.
« Alors je leur demanderait de t’attacher à une poutre.
- Alors je scierai mes liens avec mes dents.
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Liberté Sanfamï
Marchombre
Liberté Sanfamï

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Je suis [Sanfamï] et je m'appelle [Lybie], et je me balade dans la vie! Empty
MessageSujet: Re: Je suis [Sanfamï] et je m'appelle [Lybie], et je me balade dans la vie!   Je suis [Sanfamï] et je m'appelle [Lybie], et je me balade dans la vie! EmptyMer 3 Juil - 9:47

- Sauf s’ils sont de métal.
- Dans ce cas je briserai mon poignet pour libérer mon bras et quitter de nouveau cet endroit. »
Elle était décidément coriace et les moyens expéditifs auxquels elle menaçait d’avoir recourt lui firent réviser sa position. Peut-être après tout qu’après quelques vacances passées sur le dos d’un cheval à souffrir le martyr, elle serait plus encline à demeurer ici. Il devrait en discuter avec ses amis d’abord mais il ne doutait pas qu’ils avaient confiance en lui. Et puis, elle avait au moins raison sur un point : la présence d’une oreille attentive était tellement rare ces derniers temps…

Liberté savoura comme il se devait le vent frais sur son visage, perchée sur Brume devant Gyl, l’esprit frétillant de curiosité pour tout ce qui l’entourait, se rappelant avec mélancolie sa première excursion il y a des années voir des siècles de cela. Ses vêtements de toile battait contre ses flancs et le sac de cuir rempli de quelques menues provisions tenait en équilibre devant elle. Malgré les quelques liens qui avaient pu se former, elle n’éprouvait aucun regret à quitter l’enceinte du hameau pour partir à l’aventure avec ce bel inconnu. Elle ne s’était pas baptisée Liberté pour rester enfermée dans une cage, aussi dorée soit-elle. Elle esquissa un sourire en se souvenant du jour où, pour la première fois, elle avait utilisé son nouveau nom.
Elle était arrivé depuis une dizaine de jours et n’avait pas encore proférée un mot tant le choc causé par tout ce qui lui était arrivé simultanément l’avait rendue hagarde et méfiante. Chaque inconnu était pour elle une source de danger et certains de ses colocataires en avait fait la désagréable expérience et avait payé leur témérité par de profondes marques de dents.
Puis, aussi soudainement que cette impression de danger et d’étouffement avait surgit des profondeurs de son être pour la paralyser, elle s’évanouit avec les dernières écharpes de brume sous le soleil matinal. Quand Maiata était entrée dans sa chambre en posant la question rituelle, elle lui avait sourit puis avait commencé à articuler un mot. Un mot qui était mort sur ses lèvres, remplacé par une intense réflexion.
« Comment t’appelles-tu ? »
Trois. Voulait-elle vraiment être Trois ? Cette fillette prisonnière des Ts’liche qui n’avait eu la vie sauve que grâce à son ordre de naissance. Non, elle n’était plus cette enfant qui se cachait derrière Ombre et servait en réfrénant sa détresse et sa colère. Elle n’était pas sortie d’un esclavage pour en porter continuellement la marque, comme un boulet qu’elle trainera derrière elle. Trois était morte avec sa mère, une nouvelle fille avait pris sa place. Mais comment la nommer ? Une idée commença à germer en elle et elle l’observa sous le regard silencieux et triste de Maiata qui attendait toujours une réponse. Souvenir d’un nom prononcé sans fin les longues nuits souterraines par sa mère, sa vraie mère. Souvenir qui devint réalité quand, alors qu’elle quittait la pièce, elle l’offrit à sa mère d’adoption qui ne pouvait décidément pas prendre la place de la vraie.
« Liberté. »
Une étincelle nouvelle brillait dans son regard, étincelle qui trouva son écho dans la joie qui illuminait le regard de son interlocutrice. Avaient ensuite suivi des semaines d’observations, semaines pendant lesquelles elle s’était imprégnée de toute la culture alavarienne. Durant cette période s’étaient succédées ses vaines tentatives pour trouver un appui stable et attentif et elle s’était finalement résignée à la solitude et à l’attente. Longue et désespérée. L’attente du retour de ce fameux Gyl, envers qui elle éprouvait un singulier mélange de colère et d’espoir. Elle avait fini par admettre que ce plongeon dans la vie des hommes libres lui avait apporté de nombreux atouts, ne serait-ce qu’au niveau du langage, mais elle se sentait étouffer dans cet espace clos.
Espace dont les barrières volaient en éclat à présent qu’elle chevauchait avec lui. Bien qu’elle ne sente pas encore les courbatures qu’il lui avait promises, la moindre bosse se faisait clairement ressentir et lui donnait l’impression de n’être qu’une feuille ballotée par les courants. Elle tenta de se détendre et d’accorder son rythme à celui du cheval au lieu de se reposer sur Gyl et profita de la vue dont elle jouissait, vue qui s’ouvrait sur les immenses plaines. Bientôt, l’Ombre fut en vue et ils suivirent son cours vers le sud, alternant trot et marche afin de laisser Brume récupérer.
Le premier mois, Gyl fut peu bavard, se déplaçant avec sa grâce et son silence habituel et ne lâchant pas un seul mot. Ce calme lui convenait à merveille après l’agitation perpétuelle du hameau et elle passa la plupart de ses soirées les yeux mi-clos, allongée près du feu à contempler les étoiles en s’emplissant des bruits de la nuit. Cette plénitude qui la faisait battre au rythme du monde la laissait aussi revigorée qu’épuisée et le voyage en plein air lui donna des couleurs et des formes.
Puis, aussi soudainement qu’il avait décidé de se taire, un soir, il lui proposa un jeu : le jeu du mot.
Il lui exposait une situation ou posait une question à laquelle elle ne devait répondre que par un mot. Cet exercice, disait-il, devait développer son sens de l’analyse et de la synthèse et le défi qu’il représentait l’intéressait beaucoup. Discutant ainsi, simplement, épurant les idées complexes pour ne plus trouver que la Vérité, ils créèrent un lien fort fait de complexité et de réflexion, un lien frais qui reflétait la lumière de la Lune
.

La fillette qui l’accompagnait le surprenait chaque jour un peu plus. Après leur périple le long de l’Ombre et de sa sœur forêt, ils arrivèrent près du lac Chen où ils trouvèrent une place dans une caravane qui les conduisit jusqu’à Fériane. Il avait espéré qu’à force de crampes et de silence, elle abandonnerait, mais elle avait paru enchantée de cette pseudo-solitude et il avait éprouvé un regain d’intérêt pour elle. Il l’avait ensuite soumise au test du Mot pour sonder plus en profondeur son âme et il s’étonnait de sa vivacité et de l’agilité de son esprit encore jeune et souple. Mais il ne fallait pas qu’elle cultive la solitude, alors il les inscrivit dans un groupe d’Itinérants et observa attentivement son comportement. Alors qu’il l’incitait souvent à se joindre au groupe, elle préférait rester seule, adossée au chariot dans la couverture qu’il lui avait offerte.
« Pourquoi ne te mêles-tu pas aux autres ?
- Je préfère la solitude, elle a le gout de la liberté et je réfléchis mieux seule.
- Ah bon. Dis-moi, as-tu vraiment choisis la solitude ?
- Comme j’ai choisis de quitter Maiata et Myst.
- Mais tu n’as jamais vraiment fait parti d’un groupe.
- Ca ne m’intéresse pas.
- Bien, fit-il en se relevant. Si je peux te donner un conseil : la solitude prend tout son sens quand on connaît la joie de la communauté. »
Sur ce, il rejoignit les adultes qui s’esclaffaient, ne lui accordant plus un regard de toute la traversée. Après quelques soirées de réflexion, elle entama une approche timide et appris à apprécier les conversations badines de ces hommes à la vie simple. Ils n’avaient ni la stupide frivolité des petits ni le ton hautain des adultes : simplement la convivialité d’une communauté en perpétuel changement qui accueille sans se poser de questions les nouveaux venus. Bien différents des habitants du hameau, ils laissaient plus de liberté à la petite qui semblait en avoir besoin. Elle était tel un chat qui, s’il tolérait la présence des hommes pour le nourrir et le soigner, préférait encore être seul et pouvait aussi bien se débrouiller et il s’interrogea sur ses capacités dans ce domaine.
Une attitude surprotectrice pouvant la braquer de nouveau, il attendit et observa, présent tel une main rassurante à quelques centimètres d’elle pour la rattraper si elle venait à tomber mais sans influencer ses choix ou lui mâcher le travail. Son caractère indépendant ne s’arrangea pas avec le temps et, si elle avait fini par comprendre la beauté de l’Ouverture, elle préférait toujours les longues périodes d’errance aux trajets en caravane où elle écoutait les discussions plus qu’elle n’y participait.
La découverte d’Al-Jeit lui laissa le souffle coupé et elle insista pour qu’il lui fasse visiter chaque recoin de la ville. Souriant à l’idée de lui faire visiter les entrailles marchombresques de la cité, il repoussa cette idée et s’attacha à satisfaire de son mieux son insatiable curiosité. En bonne fille de la campagne, elle touchait tout ce qu’elle voyait et voulait tout voir, ils passèrent donc une grande semaine à s’extasier devant les beautés de la capitale et finirent leur exploration dans une taverne bien tenue où les attendaient des amis de Gyl. Bien que l’idée de l’emmener dans un de ces endroits ne le réjouisse pas, il préférait encore cela à la laisser seule et se promis de garder un œil sur elle. Il n’eut pas de raison de s’inquiéter car elle se tint sagement en retrait, les yeux et les oreilles grands ouverts afin de mémoriser des détails qu’elle lui exposerait à leur retour à l’auberge. Alors qu’elle commençait à somnoler, son ami baissa le ton :
« Qui est cette petite qui te suis partout ?
- Une orpheline qui j’ai rencontré en route.
- Et depuis quand es-tu un paladin au grand cœur ?
- Depuis toujours mais jamais avec toi, rit-il en lui adressant un clin d’œil complice.
- Sérieusement : tu comptes en faire une marchombre ? »

Le regard inquiet de son ami scrutait le fond de sa pensée tandis que lui-même fronçait les sourcils. Il n’avait au grand jamais tenté de la trainer de force sur la voie et aucun…
Un éclair de conscience lui apporta deux réponses. Une qui lui soufflait que tout ce qu’il lui avait dit et montré jusque là n’était que le fruit de sa propre expérience marchombre et qu’il tentait de lui imposer comme unique une voie qui en côtoyait des centaines. Une autre qui lui rappelait combien elle avait insisté pour le suivre et il se demanda un instant si ce n’était par attrait pour cette voie. Il se secoua : malgré l’immensité de son regard, elle n’avait que dix ans et les apprentis n’envisageaient cette voie que vers leurs 17 ans. Quelle que soit sa fascination pour l’image marchombre qu’on aurait pu lui faire miroiter, elle était beaucoup trop jeune pour prendre une telle décision et il ne devait surtout pas la forcer à fouler un chemin s’il se dérobait sous ses pas.
Il renvoya un regard clair à son ami et celui-ci, après quelques secondes d’un intime échange, hocha la tête. Ils se sourirent d’un air entendu et une tension qu’il ignorait porter quitta ses épaules. Après quelques banalités qui portaient essentiellement sur le devenir de la guilde avec les périodes de troubles qu’elle traversait, semée d’ambition et de trahison. La conversation s’arrêta quand la jeunette piqua du nez sur la table et ils se donnèrent rendez-vous quelques jours plus tard pour l’Ahn Ju. Aucun des deux n’avait encore formé d’apprenti mais, ayant tout deux réussi cette épreuve, ils pouvaient éventuellement tester les apprentis qui leurs paraitraient intéressant ou au moins observer avec attention les remous de la Guilde.

S’en suivit donc une période d’errance durant laquelle ils longèrent à pied, sans se presser, le littoral des Grands Océans. La grenouille qui l’accompagnait s’extasiait devant la nouveauté de cette étendue salée et retrouvait une enfance qui lui avait fait défaut au cours des premières années de sa vie. Elle prit à sa demande ses premières leçons de natation et passa le plus clair de son temps à barboter tranquillement en pourchassant les poissons. Le picotement du sel sur sa peau bronzée l’avait plus amusé qu’agacée et elle coulait des jours paisibles en sa compagnie. Si, avec le temps, elle perdait les rondeurs de l’enfance et sa ressemblance avec sa sœur s’atténuait, le lien fraternel qui les rapprochait ne faiblit pas pour autant, tout comme son insatiable curiosité. Elle l’aidait dans toutes ses tâches et s’écroulait le soir venu sur sa couche, lui laissant la nuit libre pour des entrainements nocturnes. Tandis qu’elle s’échappait dans un monde de rêve qui n’appartenait qu’à elle, il laissait ses pensées vagabonder à la recherche d’un écho sous l’œil compatissant de la Lune.
Inspirant et expirant au rythme de la nuit, il livrait tous ses problèmes à la nuit, cri silencieux d’un loup éloigné de sa meute.

Liberté sentait en elle un bouillonnement d’émotions qui, parfois, nécessitait un réceptacle pour exploser. Dans ces moments là, elle s’absentait du lieu de campement pour explorer les environs immédiats, tantôt laissant les grains de sable s’infiltrer entre ses orteils, d’autres préférant le franc bruissement de l’herbe des plaines qui entouraient le Polimage.
C’est au cours d’une de ses balades solitaires qu’elle se rendit compte de l’énormité de son erreur. Surgissant des joncs qui dansaient dans les bras du vent, un loup noir comme la nuit braqua sur elle son regard de jais. Immobile et attentif, il attendait visiblement un mouvement de sa part mais elle ne pouvait que le regarder, fascinée par la calme sauvagerie qu’il dégageait et tendit une main hésitante vers lui, ce qui eut pour effet de le braquer. Il se ramassa et dégarnit ses crocs étincelants qui reflétaient les dernières lueurs du soleil, leur donnant un effet spectral qui eut sur Liberté l’effet d’un électrochoc. Elle retira aussi vite sa main et sentit son corps trembler sous l’effet de la peur. La grande peluche qui lui faisait face n’en était pas une et elle se rendit compte avec douleur de sa vulnérabilité. Ses jambes étaient devenu du coton et la peur la figeait sur place et bloquait l’air qui entrait dans ces poumons, aussi ne put-elle que coasser misérablement l’appel à l’aide qui hurlait en elle. Ils restèrent donc face à face jusqu’à ce que Gyl, qui avait miraculeusement entendu sa détresse, arrive d’une démarche féline, les mains ouvertes et le souffle paisible, et, sans accorder un regard au terrible prédateur qui menaçait de lui sauter à la gorge, il se plaça devant Liberté et monopolisa son attention en plongeant son regard dans le sien.
« Calme toi, chaton, car ce ne sont que les proies qui ont peur et si tu te comporte comme telle il réagira en conséquence. »
Son ton calme et son regard doux eurent pour effet de dénouer le nœud qui lui serrait le ventre et elle prit une courte inspiration avant de lui répondre d’une voix blanche :
« Disons que je ne me sens pas vraiment en position de force. »
Il éclata d’un rire franc qui fut comme une bouffée de fraicheur devant sa pâle tentative d’humour et lui ébouriffa les cheveux. Il se releva et la prit par la main avant de tranquillement rentrer au camp en lui parlant de tout et de rien. Alors qu’ils descendaient la colline, elle jeta un regard en arrière, croisa le regard curieux du loup et lui répondit d’un sourire hésitant. La nuit qui avait suivie l’avait laissée songeuse et, au matin, elle avait demandé à Gyl si elle pouvait lui emprunter une de ses dagues pour s’entrainer à son maniement. Elle s’était rendue dépendante de lui alors que, ce qu’elle avait cherché en s’enfuyant de chez Maiata, c’était justement sa liberté. Il avait acquiescé avec un demi-sourire et, l’après-midi même, s’était arrêté dans un village côtier pour lui acheter une dague qu’ils avaient choisie ensemble, commentant mutuellement les qualités nécessaires à une bonne lame. Elle avait finalement acquis une dague courte et fine, maniable et plutôt bien équilibrée avec laquelle elle s’entraina toutes les soirées qui suivirent sous le regard indifférent de son compagnon. Il aurait pu certainement l’aider en lui prodiguant quelques conseils si elle le lui avait demandé mais elle s’en était abstenue et il ne s’était pas imposé.
Ils avaient continué à voyager et avaient traversé l’embouchure du Pollimage, ce fleuve si large qu’elle n’aurait pu le distinguer de l’Océan sans Gyl. Ils avaient aperçu au loin un scintillement éclatant qui avait donné naissance à une foule d’histoires de la part de son protecteur au sujet d’une arche fantastique créée par des magiciens qu’il nommait « dessinateurs ».Elle avait écouté avec fascination la légende de Merwyn et avait souvent rêvé qu’elle était à ses côtés lors de la défaite des Ts’liches, savourant avec une joie sauvage l’idée de les voir à genoux.
Alors qu’elle fêtait ses 11 ans, ils atteignirent le lac Chen après avoir longé les Dentelles Vives dont les sommets enneigés avaient captivé son attention. Ils contournèrent à cheval cette fois le lac Chen et s’arrêtèrent à sa ville éponyme pour s’acheter des vêtements chauds pour passer l’hiver à Fériane où ils trouvèrent un repos bien mérité accompagné d’un lit moelleux et d’un repas chaud. Liberté se mêla à quelques groupes de rêveurs pour discuter avec eux toute la journée, prenant plaisir à opposer leurs avis et découvrant avec joie la joute verbale. Elle écouta donc avec attention les arguments des deux parties avant de se faire sa propre idée une fois la nuit venue car, quoi qu’en dise son compagnon, elle réfléchissait bien mieux seule et de nuit, alors que le cerveau oscille entre veille et sommeil et que sa flexibilité atteins son paroxysme. Une fois l’hiver passé, ils traversèrent les Montagnes de l’Est et sillonnèrent de long en large la jungle d’Hulm où le caractère intraitable de la forêt fit son effet sur Liberté, augmentant la volonté et sa capacité d’adaptation tout en lui permettant de bien s’amuser. Si la ressemblance avec la forêt Maison des Petits l’avait tout d’abord rendue méfiante, elle s’était vite prêtée au jeu et avait accueilli avec joie la proposition de Gyl d’évoluer parmi les branches plutôt qu’entre les ronciers et les racines traitresses. Si ses premiers sauts avaient été hésitants, la présence rassurante de Gyl à ses côtés lui avait vite prendre de l’assurance et ses chutes se raréfièrent jusqu’à devenir inexistantes et elle passa une petite mais merveilleuse année à sauter entre les branches tout en se forgeant au côté des animaux sauvages de la forêt un caractère bien trempé qui, cette fois, ne l’abandonna pas. Sa fine silhouette se muscla et sa démarche devint plus silencieuse tant les trésors de la forêt nécessitaient un trésor de discrétion. Elle affina aussi son sens de l’orientation et pu bientôt se passer de l’aide de son compagnon pour rentrer au lieu où ils posaient leurs hamacs pour quelques jours. Elle ignorait tout de ses propres activités, il ne surveillait pas plus ses faits et gestes et elle se délectait de cette indépendance.
Après cela, ils suivirent le cours de la Loutoubre pour repasser les Montagnes de l’Est et traverser les plateaux du même nom pour revenir au lac Chen qu’ils traversèrent pour visiter les Collines de Taj, Al Vor et les Grandes Plaines en compagnie d’Itinérants qu’ils suivaient parfois ou seuls pour partager des silences ou des mots, agrémentés cette fois d’une note de rébellion car Liberté, si elle gardait les oreilles grandes ouvertes, commençait à revendiquer des opinions qui, sans être rejetées ou approuvées par Gyl, étaient toujours entendues. Ce grand tour de Gwendalavir s’acheva d’un commun accord sur un long séjour dans le pays Faël dans la ville d’Illian où elle joua avec les petits faëls à escalader tout ce qui leur passait sous la main. Si son inexpérience dans le domaine de l’escalade des falaises attirait des regards compatissants, la fraiche honnêteté des enfants empêchait toute plaie de s’envenimer et leur joie communicative en fit de merveilleux pédagogues et elle devint bientôt capable de les suivre dans les dédales de roches qui constellaient le pays qui était devenu leur demeure.
A ses seize ans, elle éprouva un curieux sentiment de nostalgie et convint avec Gyl de passer quelques jours chez Maiata et Myst qu’elle avait auparavant fuit comme la peste, comme par peur de réveiller dans son lit un matin et de s’apercevoir que tous ces voyages aussi excitants que didactiques n’avaient été qu’un rêve particulièrement réaliste et qu’elle était encore une fillette de 10 ans. Mais à sa grande joie rien de tout cela ne se passa et, si ses parents adoptifs qui n’avaient en réalité occupé que peu de place dans son cœur parurent un tantinet méfiants et ses anciens camarades de détentions pas plus futés, elle avait néanmoins été heureuse de les retrouver, surtout parce qu’ils confirmaient sa volonté de liberté et d’indépendance. Ses rares rencontres avec d’autres personnes que celui qui avait prit la place d’un grand frère de substitution n’avaient que peu développé son potentiel amoureux et elle restait ébahie devant la joie de celles avec qui elle avait partagé de nombreux repas à la simple idée de voir un garçon d’un autre hameau environnant. Quand elle leur proposait simplement de quitter ensemble l’enceinte des palissades pour découvrir ce que ces fermiers avaient de bien différents, elles prenaient un air de gazelle effarouché qu’elle trouvait proprement ridicule. Elle s’en ouvrit à Gyl et haussa les épaules avec désinvolture quand il lui promit avec un sourire que le jour où elle trouverait enfin l’amour, elle passera sans doute elle aussi des jours à mitonner de bon petits plats si elle avait la joie d’avoir des enfants et il éclata de rire quand elle lui rétorqua qu’il semblait très bien s’en passer
.

Plus elle grandissait et s’affranchissait de sa tutelle, maitrisant d’abord approximativement le maniement de la dague pour ensuite apprendre l’escalade des arbres et des falaises, se mêlant de plus en plus facilement aux diverses communautés qu’ils accompagnaient tout en ayant une indéniable préférence pour la solitude, plus il se souvenait en la regardant de la question angoissée de son ami qui était resté au sein de la Guilde pour veiller au grain et plus il voyait en elle une marchombre potentielle. Mais il ne pouvait pas, il en avait l’intime conviction, la guider sur la Voie avec l’intime lien qui s’était tissé entre eux qui deviendrait un obstacle à son apprentissage. S’il ne doutait pas de ses capacités à enseigner, il était temps pour son oisillon de quitter le nid qu’ils avaient construit pour s’aventurer sur la Voie périlleuse qui slalomait entre les nuages de la vie. Le sentiment protecteur qu’il avait développé à son égard l’empêchait néanmoins de la livrer aux mains d’un inconnu. Il lui fallait donc du temps et de la patience pour dénicher une perle digne de la grenouille qui l’accompagnait. Cette pensée incongrue le fit sourire car c’étaient habituellement les apprentis qui se surpassaient pour satisfaire leurs maitres mais la situation était si délicate que même ces rôles pourtant essentiels étaient bouleversés. Il lui proposa donc une excursion solitaire à travers les Plaines d’Astariuls en tant qu’Itinérante et elle accepta avec une joie qui lui tira un sourire complice auquel elle répondit. Une fois partie sur une jument pie qu’elle avait immédiatement baptisée Souffle et avec laquelle elle s’entendait à merveille. Elle était assez docile pour une cavalière inexpérimentée mais avait assez de répondant pour rendre ses galops étourdissants.
Alors qu’elle disparaissait au milieu du brouillard matinal, accompagnée de lentes caravanes escortée par des guerriers Thüls qu’il n’était pas rare de croiser lors de se genre d’expédition qui mettraient environ quatre mois avant de revenir à Al-Far, il fit volter sa propre monture et, suivant les courbes invisibles du vent, fouilla les rangs des marchombres qui croisaient son chemin, volontairement ou non, afin de placer entre de bonnes mains sa jeune protégée. Il le trouva enfin.
Ancien élève de la meilleure amie de son maitre, il répondit avec joie à l’invitation de son ami. Après une longue discussion durant laquelle ils renouèrent les liens fraternels qui les unissaient toujours malgré le temps passé, il aborda enfin le sujet délicat de l’apprentissage et eut l’heureuse surprise de voir sa proposition accueillie avec enthousiasme.
Ce soir là, un sourire heureux illumina le ciel, frère de celui, malicieux, qui ornait le visage de la Lune.

Liberté s’approcha à son tour du chef de caravane et reçu les quelques piécettes d’argent qui récompensaient son travail d’éclaireuse pendant ses quatre mois de voyage entre les hameaux logé à deux pas des plateaux d’Astariul. Ce grand bol d’air frais accompagné de l’ambiance franche et grivoise de la caravane qui comptait une escorte d’une vingtaine de guerriers Thüls en raison du danger croissant que représentaient les Rais. Si elle n’avait pas aperçu l’ombre d’un groin, elle avait tout de même pu observer de loin une goule dont l’aspect l’avait fait frissonner d’horreur, fait accentué par les légendes que racontaient les Itinérants au coin du feu. La grande fête qui avait précédé leur arrivée à Al Far avait été annulée à cause du risque d’invasion mais une grande tournée de bière avait accompagné la distribution du paiement. Elle retourna donc avec entrain à la taverne où elle et Gyl s’étaient donné rendez-vous et le chercha un moment des yeux sans le trouver, laissant son regard errer entre les sièges pour la plupart vides. Alors qu’elle s’apprêtait à s’installer à une table près de la cheminée, elle fut interpelée par un jeune homme à peine moins âgé que son grand frère d’adoption. Ses cheveux courts d’un violet lumineux méché de noir étaient en parfait accort avec ses yeux améthyste. Un sourire énigmatique ornait ses lèvres alors que sa voix, haute et cristalline, retentissait dans un fracas contenu qui lui était destiné.
« Dis-moi jeune fille, m’accorderais-tu une minute ? »
Liberté avait appris à reconnaître un homme ivre qui ne cherchait qu’à assouvir ses plus sombres pulsions et elle avait la certitude que celui-ci contrôlait parfaitement ses pensées et ses actes. De plus, l’aura d’assurance qui se dégageait de sa personne lui rappelait tellement celle qui émanait de Gyl qu’elle sentait une certaine résonnance entre elle et ce curieux étranger. Malgré cela, elle s’approcha avec prudence et demeura debout, les poings sur les hanches, pour dévisager l’homme qui lui faisait face. Il lui rendit un sourire charmeur et reprit d’un ton calme mais tinté d’espièglerie.
« Un de mes amis prétend que tu pourrait faire une marchombre formidable…
- Une marchombre ? »
Si elle avait fréquemment entendu ce mot sortir de la bouche de ceux qu’elle accompagnait, elle n’avait en retour de ses questions qu’obtenu un mélange de légendes et de vérité qu’elle n’avait pu démêler.
« Le marchombre arpente une Voie infinie pavée de maitres-mots où chaque pas se fait dans la difficulté. Si cette Voie ne t’apportera ni richesse ni reconnaissance, elle t’apportera un trésor que beaucoup ont laissé de côté : ta liberté. »
Ces quelques phrases avaient touché Liberté au plus profond d’elle-même et elle sentit ses muscles se relâcher.
« Et quel serait votre rôle dans cette belle et noble voie ? fit-elle en incorporant un soupçon d’ironie dans sa voix.
- Ton maitre. Chaque personne qui désire arpenter cette voie doit d’abord passer trois ans en compagnie d’un maitre à qui elle doit une obéissance absolue quelle que soit la situation. Ce maitre lui permet de faire tes premiers pas sur cette Voie en lui montrant ses repères essentiels. »
Liberté réfléchit intensément. Si l’idée d’une Voie dédiée à la liberté l’attirait follement, l’idée d’obéir sans discussion à un maitre sans qui la Voie t’était fermée lui plaisait nettement moins. Elle n’avait pas quitté la dépendance de Gyl en qui elle avait parfaitement confiance pour se mettre à la merci d’un inconnu, même s’il lui promettait un avenir fabuleux.
« Je refuse votre proposition. Il est hors de question que je me soumette à une personne que je connais à peine, ajouta-t-elle sous son regard mi-amusé mi-interrogateur. Si je dois arpenter une Voie qui mène à ma liberté, chacun de mes pas m’appartiendra et je ne veux les devoir qu’à moi. »
Un sourire franc éclaira le visage de l’inconnu et il interpella l’ombre de la taverne d’un ton enjoué.
« Tu avais entièrement raison Gyl, cette petite grenouille fera une très bonne marchombre. Je comprends entièrement ton point de vue ma chère, et je tiens à te rassurer : rien ni personne ne pourra te faire avancer de force sur la Voie et le rôle d’un maitre ne consiste qu’à être une main protectrice derrière son apprentie pour la protéger des chutes… Ou la faire tomber, ajouta-t-il en élargissant son sourire. »
Quand son compagnon de route surgit de l’ombre qui l’avait jusqu’alors dissimulée, Liberté sursauta et lui adressa un regard curieux où pointait une touche d’incompréhension. Il lui répondit par un de ses inexplicable sourire mais ne fit pas mine d’intervenir dans leur conversation. Sans la pousser vers un refus ou une acceptation de sa proposition, il se tenait à une distance respectable pour lui laisser un large espace et ne serait sans doute pas entré en jeu si son camarade ne l’avait pas dévoilé. Son regard dévoilait clairement son intention : s’il avait amené ce jeune homme à la rencontrer, il lui laissait le libre arbitre d’accepter ou non sa proposition. Elle détourna donc ses pensées de lui pour les reporter vers ce curieux individu qui attendait patiemment qu’elle prenne une décision qu’il savait importante et ne prenait sûrement pas à la légère. Son regard la sondait jusqu’au plus profond d’elle-même, elle en avait l’intime conviction et tenter de tricher était impensable. Elle s’immergea à son tour dans ce tourbillon violet qui lui donnait accès à son âme et frappa tranquillement à la porte qui y accédait. Il lui ouvrit alors son monde personnel, mettant à nu sa conscience tout en la guidant à travers ce dédale qu’elle ne maitrisait pas encore. Elle vit en lui un esprit différent et à la fois si semblable qu’il lui rappela le lac Chen : d’une profondeur insondable, mystérieux, il n’était pas moins évident qu’il recelait des trésors qui se cachait sous la surface trompeuse de ses eaux qui pourraient à volonté se transformer en tempête dévastatrice ou en main accueillante. Après s’être longuement abreuvée à cette source claire et pourtant si obscure qu’elle semblait aspirer son âme, elle se retira en elle-même pour faire le point sur ses propres pensées. Elle avait en face d’elle un loup semblable à celui qu’elle avait rencontré sur les landes : prédateur, enfant de la nuit, il l’attirait aussi fortement qu’il ne l’effrayait et elle lutta contre cette émotion qui menaçait d’envahir ses pensées. Elle n’était plus une proie offerte mais un prédateur conscient qui avait en face de lui un ami ou un rival, un guide ou un envahisseur selon ce qu’elle déciderait. Elle retira ses pensées du monde animal pour les ramener dans une démarche plus pragmatique : elle avait depuis peu atteins les dix sept ans et ne voulait plus rester constamment dans l’ombre de Gyl : elle voulait découvrir et partager, apprendre et s’amuser et prendre enfin sa vie en main et c’était ce que ce curieux individu lui proposait. Une Voie différente de celle qu’elle arpentait aujourd’hui, faite d’embuches et de vertiges et qui l’attirait comme un papillon face à une flamme.
Le caractère orageux du loup qui lui faisait face n’était plus menaçant : il n’était qu’un trésor de plus qu’il mettait à sa disposition en lui proposant rien de moins que ce dont elle avait rêvé depuis toujours. Le rival et le conquérant se transforma en un camarade de jeu et elle sut à ce moment là qu’elle le suivrait.
Le torrent de mot qui se bousculait à la frontière de ses lèvres menaça de la submerger à son tour mais elle le retint et le transforma jusqu’à ce que, devenu papillon de cristal, il fut prêt à s’envoler.
« Jouons. »
Comment un simple mot pouvait-il en révéler autant ?
L’inconnu qui était devenu son guide dès cet instant éclata d’un rire franc et, d’u geste du pied, recula deux chaises pour les inviter à s’asseoir avant de commander trois part d’un ragout de siffleur d’une voix enjouée.
Le repas passa sans qu’un mot ne fût échangé au sujet des marchombres, comme si sa réponse avait clos un chapitre qui n’en était en fait qu’à ses balbutiements et, quand ils se quittèrent, Gyl et elle se quittèrent sur un regard chargé d’émotions que son maitre lui laissa volontiers avant de l’entrainer vers les rues sombres d’Al Vor.
« Sais-tu que tu as une chance incroyable ?
- De vous avoir comme maitre ? fit-elle avec une ironie à peine dissimulée.
- Cela fait en effet partie de ta chance, répondit-il avec entrain, mais la plus grande partie réside dans le fait que tu commences ton apprentissage au moment ou l’Empire affronte une montée en flèche de la criminalité, donc une foule d’amis sympathiques avec qui jouer. »
Liberté éclata de rire devant cet enthousiasme presque enfantin qui contrastait tant avec la sagesse qu’elle lisait dans son regard et les badauds, surpris par tant de gaieté en des heures si sombres, leur adressèrent des regards pleins de colère et d’incompréhension qu’elle laissa glisser sur elle avec désinvolture.
« La vie est pavée d’une multitude de choix. A toi de les discerner et de t’en servir, dit-il alors qu’il l’entrainait d’un pas souple et vif à travers les bas quartiers de la ville. »
Liberté le suivi au pas de course, tentant sans vraiment y parvenir d’imiter sa démarche. Elle ne voyait pas très bien où il voulait en venir et lui adressa un regard interrogateur quand il s’arrêta devant la façade décrépie d’un bâtiment serré au milieu de ses semblables. Toutes les habitations de ce quartier s’amoncelaient dans un désordre indescriptible qui avait pour avantage d’offrir de nombreuses prises et de permettre de circuler sur les toits presque plus facilement que dans les ruelles jonchées d’immondices.
« A partir de maintenant et jusqu’à nouvel ordre, le sol t’est interdit. »
Lui montrant l’exemple, il grimpa en quelques mouvements assurés jusqu’au sommet de la maison et elle n’eut d’autres choix que de le suivre. L’escalade ne lui posa aucun problème et elle se trouva bientôt sur le toit, cherchant des yeux son maitre qui s’était avancé d’un pas nonchalant sur la pente raide et sauta de l’autre côté de la chaussée, pas le moins du monde gêné de passer au-dessus des passants en cette belle fin d’après midi. Si quelques regards agacés se portèrent à leur rencontre, elle ne les remarqua pas tant elle était concentrée sur le trajet à suivre. Le toit de paille qui couvrait les maisons sur lesquelles elle voltigeait étaient soutenus par de fines poutres de bois qu’elle distinguait à peine. Elle prit un pas d’élan avant de sauter à son tour, légèrement inquiète mais surtout amusée de la tournure que prenaient les évènements. Quand elle parvint à le rattraper, elle lui demanda le souffle court :
« Est-ce vraiment un choix si c’est vous qui me l’imposez ?
- Bien sûr, répondit-il en lui livrant un regard clair. Tu pourrais très bien me désobéir.
- Sans… aucune conséquence ?
- Je n’ai pas dit cela. La première serait que ton chemin sur la Voie en serait nettement raccourci. La seconde, l’application d’une sanction à ton égard. Quand j’ai posé un pied à terre en croyant que mon propre maitre ne me voyait pas, elle a lancé toute la milice de la ville à mes trousses. »
Un large sourire plein de dents illumina son visage et, d’un bond souple et harmonieux, il franchit une nouvelle ruelle avant qu’elle ait pu poser la question qui lui brûlait les lèvres et elle n’eut d’autre choix que de le suivre. Après trois heures de cavalcade à travers toute la ville, il amorça enfin un retour vers l’auberge et elle laissa échapper un petit soupire de soulagement entre ses lèvres entrouverte. Elle n’avait absolument pas l’habitude de solliciter ses muscles de cette manière et ils le lui faisaient bien sentir. Quand il crocheta les fenêtres des chambres pour atterrir souplement sur ses jambes, elle le suivit avec plus d’hésitation et en fut arrêtée qu’à quelques centimètres du sol par le manche d’une dague qui avait fleuri dans l’interstice entre deux pavés et elle s’immobilisa, les bras en feux, avant de lancer un regard interrogateur sur son maitre.
« Je ne t’ai pas autorisée à poser le pied au sol, fit-il simplement et le plus naturellement du monde avant d’entrer dans l’auberge sans lui lancer un regard. »
Avec un grognement rageur, elle rassembla ses dernières forces et se hissa au niveau d’une fenêtre du premier étage. Elle tenta sans succès de l’ouvrir puis se cala comme elle le pouvait sur le cadre de la fenêtre pour rassembler son courage. Alors qu’elle s’apprêtait à remonter, son maitre sortit de la taverne avec une miche de pain accompagnée de viande et de fromage. Elle attrapa prestement le tout et le dévora en quelques bouchées avec un regard empli de gratitude. Sa course l’avait affamée et le ragout de siffleur qu’ils avaient dégusté n’était plus qu’un souvenir pour son estomac.
Le reste de ses repas ne fut pas aussi aisé. Au cours des cinq mois d’été qui suivirent, il prit bien soin de les cacher sur les toits les plus hauts ou les tours les plus escarpées, lui laissant à peine une heure pour sillonner la ville à sa recherche. Passant toutes ses journées perchée sur les toits, elle développa un sens de l’équilibre assez poussé et pu bientôt le suivre sans problème. Le vent devint bientôt son compagnon d’infortune et son pire ennemi quand les rafales d’air chaud tentaient de la faire tomber. Son maitre n’avait évidement pas ces difficultés et, au fil du temps qui passait, elle se demanda quelques étaient ses limites. Il dansait sur le vent, sur la ville, caressait du doigt les nuages et dormait dans les bras de la Lune.
Cette même Lune qui était devenue son amie alors que, perchée sur le sommet de l’auberge, elle l’observait à travers ses yeux mi-clos et lui offrait ses réflexions personnelles. Son sommeil s’allégea et ses nuits se raccourcirent car il la réveillait souvent alors que la nuit était des plus sombres pour lui faire découvrir la ville sous un autre visage : l’ombre chaude la cueillait dans ses bras et la transportait dans un monde où chaque objet n’était pas ce qu’il paraissait être. Cette douce incertitude faisait naitre en elle un frisson d’exaltation qui devenait tempête quand le souffle glacial la cueillait au creux du ventre et l’obligeait à revoir ses déplacements. Cet entrainement avait beau la déboussoler, elle n’en était pas moins formidablement heureuse par le chemin qu’elle voyait peu à peu apparaître devant elle. Après une soirée de visite sur la ville durant laquelle il l’observa du coin de l’œil tout en laissant une distance de trois mètres entre eux, ils s’exercèrent aux acrobaties, à la jonglerie et au combat à mains nues en hauteur. Si elle ne du plusieurs fois la vie sauve qu’à un infime réflexe ou à une décharge d’adrénaline qui transformait sa fatigue en énergie pure, jamais son maitre ne fit un seul geste pour sa secourir. Comme promis, chacun de ses pas lui appartenait, avec son lot de risques.
Le jour où son maitre l’autorisa enfin à regagner la terre ferme pour seller sa jument qui l’accueillit avec un hennissement de reproche, elle se retrouva déboussolée tant son champ de vision lui paraissait encombré par son environnement et elle confia au vent une pensée aux couleurs à venir :
« Redécouvrir l’habituel pour le parer des couleurs de l’incertitude. »
Elle eut un vertige en songeant qu'elle n'avait balayé qu'une poussière de la longue route de certitudes qui s'étendait à ses pieds. Après avoir sellé sa monture, elle la prit par la bride et suivit son maitre au pas, prenant bien soin de détailler tout ce qui l'entourait et qui lui paraissait désormais étranger. A peine étaient-ils sortis de la ville que son maitre enfourcha son étalon isabelle qui faisait de l'œil à Souffle mais lui fit signe de rester à terre.
« Toi, tu cours. »
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Liberté Sanfamï
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Liberté Sanfamï

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Métier: Maitre marchombre sans apprenti (actuellement dans une ville Cendre à attendre les futurs Jurilians ;) )

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MessageSujet: Re: Je suis [Sanfamï] et je m'appelle [Lybie], et je me balade dans la vie!   Je suis [Sanfamï] et je m'appelle [Lybie], et je me balade dans la vie! EmptyMer 3 Juil - 9:51

Il tendit la main et elle lui remit la bride en levant les yeux au ciel.
« Vous avez du vous engraisser pour avoir besoin de deux chevaux...
- Et c'est pour éliminer mes graisses que tu vas cavaler! »
Il lança les chevaux au petit trot et elle commença doucement pour échauffer son corps pour finir par s'arrêter quand, les poumons en feu et les jambes en plomb, elle s'écroulait sur le bord de la route avant qu'il ne la remette debout de force pour la faire marcher dix minutes avant de lui indiquer des étirements et assouplissements destinés à lui éviter les crampes. Il la fit ensuite monter en selle et commenta son assiette avant de lui donner des exercices allant de la diriger seulement avec les genoux à se mettre à genoux sur sa selle. Il restait à côté d'elle et la guidait avec douceur mais fermeté, augmentant peu à peu la difficulté en faisant fit des muscles de son élève qui criaient grâce. Ces exercices durèrent toute la matinée et ils occupèrent leur après-midi à discuter de tout et de rien, chacun n'offrant qu'un seul mot à son partenaire. Ce jeu, anodin avec Gyl, prenait un nouveau sens avec son maitre et de longs moments de silence séparaient chaque échange. Ce schéma se répéta la grande semaine que dura leur périple à travers Gwendalavir: ils longèrent l'Ombre puis l'Ombreuse avant de contourner le lac Chen par le nord puis de dévaler les plateaux de l'est jusqu'à Al-Jeit. Le temps s'était brusquement rafraichit et ils durent plusieurs fois passer la journée sous une pluie froide et insistante qui ravissait son maitre autant qu'elle lui rappelait le souvenir de sa danse folle à huit ans et un sourire triste para ses lèvres. Cette eau froide qui la palpait lui rappelait à la fois la richesse de sa liberté et le vide qui s'était emparé de son âme à la mort de sa mère.
Mais toute mélancolie la quitta quand, un soir, l’aube se para d’or entre les nuages pour illuminer la capitale. Malgré tout le temps qu’elle y avait passé, la ville, perchée au milieu d’un paysage époustouflant, avait toujours le don de l’impressionner tant le moindre détail la faisait changer du tout au tout. Les cascades qui jaillissaient de la cité et les tours de verre qui tutoyaient le ciel se parèrent de reflets improbables qui niaient à l’ombre le droit d’exister et elle émit un discret soupir de contentement.
Mais le plus beau était à venir.

L’hiver avait envahis Gwendalavir, donnant à chaque objet des courbes et des couleurs improbables. Perchée en haut d’une tour, les doigts gelés par le froid et les muscles noués par la fatigue après une visite aérienne de la ville, Liberté rassembla ses dernières forces et se hissa à la force des bras sur le sommet. Son maitre l’attendait, un sourire discret aux lèvres et ouvrit grand les bras pour embrasser le paysage de la ville dont les moindres recoins étaient emprisonnés sous une couverture de glace qui s’illuminait sous le soleil levant. Il lui semblait qu’un arc-en-ciel s’était posé sur la ville, chassant les ombres d’un revers dédaigneux et les remplaçant par une débauche de couleurs qui l’émouvait au plus profond de son âme. Tutoyant les étoiles, prolongement parfait de la ville aérienne aux couleurs chatoyantes, un élève et un maitre dansent, enchainant les mouvements souples et fluides de la gestuelle marchombre.
Au cœur de la tempête qui sévissait sur les terres alaviriennes, deux silhouettes partent vers le nord, s’entrainant en chemin, dérivant tranquillement vers le nord en longeant le Pollimage à travers les plateaux d’Astriul, tutoyant les goules et les tigres, avant de dévier de leur route et d’atteindre la Citadelle des Frontaliers. Après des semaines d’escalade en falaise ou de la forteresse dont les pierres ajustées à la perfection n’offraient que peu de prises et où les fenêtres étaient bien plus rares que les étroites meurtrières, la jeune femme se réveilla un matin au soleil levant pour découvrir à côté de son lit un papier lui indiquant une heure et un lieu. Juste ça. Haussant un sourcil interrogateur, elle s’habilla et déjeuna avant de se rendre d’un pas nonchalant vers le point de rendez-vous. Alors qu’elle s’apprêtait à y trouver son maitre, perché sur elle ne savait quelle tour improbables lisse comme le verre, elle se retrouva au sein d’une cour où un groupe de jeunes enfants entouraient un frontalier. Elle les observa un instant avant de s’approcher, hésitante et résignée à demander son chemin. Quand le professeur l’accueilli avec un hochement de tête et déchira tranquillement son morceau de papier, elle sentit une vague inquiétude l’envahir, sentiment qui se trouva confirmé quand, sur un signe de sa part, elle se mêla au groupe des élèves qui entamaient les échauffements. A quoi tout cela rimait-il ? Elle n’avait aucune connaissance dans le maniement du sabre et cela ne l’intéressait pas. Les jeunes qui constituait avec elle le groupe avaient au moins deux ans de moins qu’elle mais une aura de sérieux les entourait déjà, née de l’entrainement drastique et d’une culture guerrière dans laquelle ils baignaient depuis leur enfance. Elle se retrouva entrainée bon gré mal gré dans une longues séance de musculation et de maniement du sabre, arme qui ne lui convenait pas du tout tant elle était différente des dagues avec lesquelles elle avait l’habitude de jongler sur le dos de Souffle durant la quinzaine de jours qu’avait duré leur périple vers le nord. Après plus d’une heure d’efforts inutiles, elle finit par aller ranger son arme sous le regard curieux de la quinzaine d’enfants avec lesquelles elle s’entrainait et elle quitta la cour d’un pas furieux, bien décidée à retrouver son maitre pour lui demander des explications quand à cette heure perdue à gesticuler avec un sabre dans les mains. Elle le trouva enfin, perché sur la montagne qui dominait la Citadelle et de laquelle sortait la forteresse. Elle l’escalada rapidement, habituée à se parcours et se rappelant brièvement ses heures de jeu dans les falaises en compagnie des faëls, avant de se camper devant lui, les poings sur les hanches sans qu’il ne se départisse de son sourire agaçant.
« Je peux savoir à quoi cette séance d’entrainement au milieu de gamins de quinze ans fait partie de mon entrainement ?
- Ton entrainement ?
- Oui, mon entrainement, l’entrainement que vous êtes censé superviser et qui dure depuis presque huit mois maintenant.
- Ah bon ? »
Il lui adressa un sourire moqueur qui eut pour effet de faire gonfler sa colère, puis elle prit une grande inspiration et parvint à retrouver son calme. Quel que soit le ton qu’il employait, ces questions devaient toujours la mener vers une réflexion même si elle ne voyait absolument pas où il voulait le guider. Oui, il était son maitre, elle avait accepté de le suivre pendant trois ans, alors à quoi rimait cette perte de temps ? Elle voulait devenir marchombre, pas frontalière ! Après de longues minutes de réflexion stérile, il finit par éclairer sa lanterne :
« Si je suis vraiment ton maitre, n’es-tu pas censée m’obéir et rester à la séance jusqu’à ce qu’elle finisse au lieu de la quitter au début ? »
Liberté s’immobilisa et hésita un instant. Elle avait refusé lors de leur rencontre de se soumettre à son autorité, alors pourquoi revenait-il à la charge ? Pensait-il qu’il allait pouvoir la duper aussi aisément ? Elle tenta de dépasser sa simple appréhension mais elle ne pouvait se résoudre à ne faire qu’obéir à ses ordres. Elle se refusait à perdre sa liberté d’action, même si elle devait déboucher sur une liberté plus grande encore. A ce moment là, une étincelle de surprise lui fit hausser un sourcil. Elle n’avait pas eu conscience de la rigidité de sa réflexion. Il lui prenait trois petites années de sa vie et lui offrait sa vie et elle préférait rester immobile plutôt que chercher son bien. Etait-ce par peur ou par paresse ?
Sans se rendre compte que cela faisait bien dix minutes qu’elle restait face à face avec son maitre sans que quiconque prononce un mot, elle restait plongée dans ses pensées et passait en revue le moindre de ses actes et la moindre de ses émotions.
« Jouer et prendre le risque de perdre ou rester ici sans avoir la chance de gagner. »
Le murmure qui s’était échappé de ses lèvres fut accueilli avec approbation mais il resta silencieux et la laissa finir sa réflexion qu’il savait indispensable.
Pourquoi avait-elle peur de le suivre ? Elle l’avait pourtant fait pendant huit mois et n’en avait retiré autant de joie que de douleur mais avait tout de même continué à ses côtés. Pourquoi ? Pourquoi avait-elle tant de peine à accorder sa confiance, même aux personnes qui ne semblaient lui vouloir aucun mal ? Elle se souvint des années passées avec Gyl et se demanda si elle lui avait jamais vraiment fait confiance… Etait-ce par manque de confiance en soi ou se sentait-elle si peu adaptée à ce monde qu’elle tentait toujours de s’en exclure ?
Le soleil tombait sur la chaine du Poll quand la jeune femme sortit enfin du gouffre sans fond de ses pensées. Après une journée sans rien manger, son ventre signalait fermement son désaccord, pourtant elle l’ignorait avec superbe et regard son maitre d’un regard franc qu’il lui rendit. Un sourire naquit sur ses lèvres et elle s’étira longuement.
« Quand est-ce qu’on mange ? »
Aucun mot de tout ceux qu’elle connaissait ne correspondait à ce qu’elle ressentait aussi avait-elle abandonné l’idée de formuler ses pensées. Il approuva d’un signe de tête et descendit dans un seul souffle la falaise sur laquelle il l’avait attendue avant de s’arrêter sur la poutre principale d’une des demeures et graver quelques mots à l’aide d’un fin stylet. Elle s’approcha, curieuse, et lu ces quelques lignes en retenant son souffle. Elle adressa un regard reconnaissant à son maitre, tant la parfaite ressemblance entre ce qu’elle ressentait et ce qu’elle avait compris de ses mots l’avait libérée d’une ombre invisible et le suivit en silence.

Chaines de plume, ailes d’acier,
Caressent et brisent la porte d’un infini clos
Ouverture

Ouverture. Son premier Maitre-Mot. Ouverture. A soi et aux autres.
Cette nuit, deux silhouette découvre et redécouvre la Citadelle à la lueur des étoiles. L’un et l’autre s’abandonnent aux caresses du vent pour se redécouvrir, plus proches qu’ils ne l’avaient jamais été. Maitre et élève, violet et bleu, deux nuances d’une même Voie qui s’écoule à leurs pieds.
A partir de cette Ouverture, Liberté, assumant enfin son statut d’élève, trouva enfin un fil conducteur à sa Voie qu’elle para des sublimes couleurs du Respect et de la Plénitude. Avant que les premiers rayons du printemps ne libèrent le passage aux hordes de Rais, ils repartirent vers le sud et traversèrent une forêt à une journée de cheval. Il profita de cette merveilleuse opportunité pour mettre à l’épreuve sa discrétion et son sens de l’observation en lui demandant de chasser leur diner. Ils y restèrent pendant deux mois au cours desquelles elle apprit à faire corps avec un arc long et fin qu’il lui avait offert. Il lui rappela la dague par son caractère subtil mais l’énergie presque sauvage qu’il dégageait la surpris et l’amusa et elle s’en fit très vite un ami. Quand elle pu enfin toucher une cible à cinquante mètre neuf fois sur dix, son maitre leur fit enfin quitter leur retraite au fond des bois et ils s’aventurèrent le long du Gour qui devait les ramener au lac Chen. Si l’effondrement le la cité du Chaos quelques années plus tôt avait endigué le flot de Blanc qui écumaient Gwendalavir, le nombre de brigands qui colonisaient les routes n’avait pas décru et ils en firent l’amusante expérience. Alors qu’ils étaient plongés dans une de ces conversations semi-silencieuse dont ils avaient le secret, quatre hommes visiblement affamés et prêts à tout surgirent des buissons qui bordaient le chemin et bloquèrent le passage aux chevaux. Liberté adressa un regard interrogateur à son maitre qui lui répondit d’un sourire et, avec un soupir de résignation, elle sauta à bas de son cheval sans daigner utiliser les étriers et s’approcha, les mains ouvertes, vers le groupe surpris et, d’un geste souple et vif qu’avait rodé les centaines heures d’entrainement marchombre, elle envoya un coup de poing dans le nez du plus proche et chassa l’air des poumons de son voisin en lui emboutissant le plexus solaire avec son coude. Elle évita un coup maladroit qui cherchait à l’atteindre à la tempe en se baissant sur ses genoux avant de faucher les jambes de l’impudent. A terre, dos à son dernier assaillant, elle roula dans l’axe de ses épaules et se retrouva, genoux fléchis en une posture de garde approximative, à distance respectable de son adversaire. Celui-ci hésita puis, poussé par la faim, tira son couteau pour se jeter sur elle. Elle attrapa son bras au vol et le tordit impitoyablement pour lui faire lâcher son arme avant de le déséquilibrer et de le laisser choir sur le bord de la route. Ce premier véritable combat fut suivit de bien d’autres, toujours à main nue pour ne pas dépendre de ses lames d’après son professeur, le plus souvent contre les adversaires affaiblis ou désarmés qui pullulaient à Al-Chen et dans ses environs.

Cela faisait presque un an et demi qu’elle suivait son maitre et, alors qu’elle achevait l’escalade d’une des plus hautes tours d’Al Jeit en aveugle, se fiant uniquement à son toucher, il se tourna vers elle et lui retira le bandeau qui lui couvrait les yeux depuis un mois. Elle fut surprise en retrouvant un semblant de lumière mais ses yeux s’adaptèrent bien vite à la douce lueur du couchant. Elle embrassa du regard la capitale et frémit, sentant une nouvelle pierre tomber de son chemin et s’interrogeant un instant sur les limites de la Voie. Son sourire fit échos à celui de son compagnon quand elle réalisa qu’elle n’en avait pas et qu’elle tenta d’imaginer le monde sans cesse renouvelé par les Indispensables qui devenaient Choix.
« Ce soir, je te présenterai au Conseil. »
Elle lui adressa un regard interrogateur et ils occupèrent le temps qu’il leur restait avant la réunion à discuter de la Guilde, du rôle qu’elle avait sur la Voie et des deux jalons qu’elle découvrir ce soir : la présentation et l’Ahn Ju.
Les couloirs secrets qui sillonnaient les sous sols de la ville la fascinèrent autant qu’ils l’inquiétèrent et elle fit de son mieux pour mémoriser le chemin qu’ils avaient emprunté. Quand ils entrèrent dans la salle pleine d’individus à la démarche d’ombre souple et assurée, Liberté comprit bien mieux l’indépendante unité des marchombres. Sans être uniformes, leurs mouvements dégageaient la même énergique assurance et elle se sentit lourde et maladroite, comme un mouton blanc au milieu des moutons noirs. Son malaise s’atténua quand six marchombres, plus âgés que la moyenne mais dégageant une aura formidable, s’avancèrent et se placèrent sur l’estrade qui leur permettait d’être vus de tous.
Un homme se détacha, anodin si ce n’étaient ces yeux noisettes qui semblaient lire les âmes et sa posture qui indiquait clairement qu’il maitrisait parfaitement son corps. Liberté frissonna quand il la survola du regard et se demanda un instant à quel point il s’était avancé sur la Voie. Quand il prit la parole d’une voix posée, la moindre parcelle d’attention de la salle était concentrée sur lui sans que cela ne paraisse le troubler.
« Je m’appelle Sayanel Lyyant et, aujourd’hui, je serai la voix du Conseil. Aujourd’hui est un jour particulier, aujourd’hui est le jour de l’Ahn Ju. Six maitres marchombres proposent leurs apprentis. Six apprentis vont suivre la cérémonie. »
Liberté fut vaguement tentée de chercher dans la salle ceux qui, comme elle, allait être testés par les maitres mais elle ne pu bouger tant le dénommé Sayanel captivait son attention.
« Toutefois, nul ne peut prétendre à la cérémonie de l’Ahn Ju s’il n’a pas été auparavant autorisé par le Conseil à suivre la Voie des marchombres. Aujourd’hui est un jour particulier, aujourd’hui est le jour de l’Ahn Ju mais aujourd’hui est aussi le jour de la présentation. Un maitre marchombre propose son apprenti. Un apprenti se présente devant le Conseil. Maintenant. »
Captivée par le doyen, Liberté eut un temps d’hésitation mais s’avança la tête haute quand le bout des doigts de son maitre lui effleura le dos pour la pousser en avant. Une main pour la soutenir… ou la faire tomber. Elle se souvenait de ses paroles comme s’il venait de les prononcer et elles prirent un sens nouveau à ce moment. Quand elle se planta devant le maitre, son regard calme et sage la fixa un court moment, moment durant lequel elle se sentit mise à nu et du appeler toute sa volonté pour ne pas faire un mouvement de recul.
« Offre ton identité au Conseil, jeune apprentie. »
Si elle aurait hésité autre fois en entendant cette question, la nouvelle acceptation de son être et de son identité ne lui laissait plus la moindre appréhension à se livrer.
« Je m’appelle Liberté.
- Ton âge.
- J’ai dix-huit ans. »
Son nom et son âge. Les seules certitudes qui guideront sa vie. Son être selon sa forme la plus simple.
« Offre-nous le nom de ton maitre. »
Liberté marqua un temps d’arrêt et réalisa qu’elle ne le connaissait pas. Elle ne le lui avait jamais demandé et il avait fait de même. Ils s’étaient offert leur avenir, pas leur passé et n’avaient cure de ces détails. Mais le marchombre qui attendait tranquillement sa réponse vivait dans un présent qui ne laissait pas place à l’introspection et elle lui répondit le plus honnêtement possible.
« Je l’ignore. »
Un murmure pareil à un souffle de vent parcouru l’assemblée sans qu’elle n’y prête la moindre attention. Son être était isolé avec le maitre qui lui faisait face et ce qui se passait autour n’avait aucune importance. Une fragile bulle de Vérité aux reflets d’Absolu qui tenait en respect la tempête qui circulait dans les esprits.
« Jeune Liberté, je vais te poser une série de questions. A ces questions, tu devras répondre dans l’instant, sans réfléchir, en laissant les mots jaillir de toi comme une cascade vive. Les mots sont un cours d’eau, la source est ton âme. C’est en remontant tes mots jusqu’à ton âme que je saurai discerner si tu peux avancer sur la Voie des marchombres. Es-tu prête ? »
Il n’y avait plus une once d’hésitation en elle : les fenêtres de son âme grandes ouvertes, le vent qui la traversa quand elle ouvrit la bouche pour répondre était trop fort pour qu’elle espère le tromper. Elle n’espérait pas le tromper.

« Oui.
- Qu’est ce que la neige ?
- La couverture d’un monde neuf.
- Où se trouve la Lune ?
- Au sommet de la montagne.
- Que vois-tu ?
- Le ciel. »

Le vent avait forci, dilatant la bulle jusqu’à ce qu’elle englobe la terre entière et Liberté sentit sa conscience se perdre dans l’immensité et se redécouvrit à travers le doux murmure du vent.

« Quelle est la force d’une étoile ?
- Lumière, Guide et Incertitude.
- Que te dit ton ombre ?
- Obscurité, Âme et Mouvement.
- Où souffle le vent ?
- Sur mon chemin.
- Que te dit la montagne ?
- Respect, Force et Immensité.
- L’homme et le tigre se disputent une tanière, qui la mérite ?
- L’aigle qui ne demande rien.
- Que lui réponds-tu ?
- Jouons.
- Que fais-tu face à une forêt impénétrable ?
- Je la salue et j’entre.
- Quel est l’essentiel ?
- La Vie et la Voie.
- Où se pose l’aigle sans nid ?
- Sur le vent qui le porte.
- Que font les espoirs qui se perdent ?
- Ils fondent de nouveaux chemins.
- Que dit l’eau au feu ?
- La mort calme.
- Que répond le feu ?
- La douceur ensorcelante.
- Es-tu eau ou feu ?
- Je suis vent.
- Es-tu eau ou feu ?
- Les deux.
- Combien de Maitres-Mots possèdes-tu ?
- Quatre.
- Offre-les-moi.
- Ouverture, Respect, Plénitude et Choix.
- Que fais-tu de la liberté ?
- Je la vis.
- Que cherches-tu dans les nuages ?
- Leur Vérité.
- Que vois-tu dans ton reflet ?
- Recherche et Choix, Respect et Vérité, Ouverture et Liberté.
- Que vois-tu dans leur reflet ?
- Marchombre. »

La bulle de vent explosa et vu envahie par le Silence.
Silence-Mot.
Silence-Cri.
Silence-Vie.
« Sois la bienvenue, jeune Liberté, dit Sayanel en s’inclinant. Puisses-tu longtemps arpenter la Voie des marchombres. »

Liberté sentait couler en elle une formidable énergie, pâle reflet de celle qui avait guidé sa présentation. Elle avait escaladé, couru, sauté, rampé, avait traversé déjà cinq épreuves dans le labyrinthe de roche que constituait le repaire des marchombres. La richesse de ce monde souterrain l’émerveillait et elle profitait de sa vue retrouvée pour se remplir les yeux de ces merveilles. Elle fit jouer ses doigts endoloris par sa montée de la falaise escarpée qui menait à la grotte où elle attendait maintenant sa prochaine épreuve.
Une rivière tumultueuse traversait la salle de part en part, piquetée de rochers qui affleuraient à la surface. Elle jeta un regard interrogateur à son guide qui l’éclaira bien vite :
« La vie est une rivière tumultueuse qui tentera toujours de te submerger et où chacune de tes actions a une influence. Ton but est de traverser cette rivière et d’apposer une marque sur le mur d’en face avant de revenir. »
Elle acquiesça et s’avança avec circonspection en observant la disposition des pierres et tracer un chemin parmi l’écume. Elle vérifia au passage qu’aucune de ses affaires ne pourrait tomber puis, d’un bon souple et énergique, elle bondit et traversa par ricochet la moitié de la rivière avant de tomber sur un os. La plaque sur laquelle elle avait atterrit était couverte d’une mousse humide qui la fit glisser et elle se sentit partir en arrière. Quand la morsure de l’eau glacée la saisit, elle eut le geste instinctif de se raccrocher au rocher le plus proche et tenta sans succès de remonter. Ses muscles s’engourdissaient sous l’effet du froid et elle finit par abandonner l’idée de remonter, circulant à travers les rochers que l’eau avait rendus glissants, manquant à chaque instant d’être emportée par le courant qui atteignait son paroxysme au centre de la rivière. Des milliers de doigts glacés tentaient à tout instant de la précipiter dans les bras mortels de l’eau déchaîné. L’écume qui dansait au contact des rochers l’aveugla et elle dû fermer les yeux, sentant avec d’autant plus de force le poing qui la frappait au creux des reins et les tourbillons qui tentaient de l’arracher à sa prise. Après dix minutes de bataille frénétique durant lesquelles son instinct de survie et lui seul lui permis de ne pas lâcher prise. Quand elle se hissa à l’aide de ses dernières forces sur la berge voisine, elle perçu fugitivement le regard impassible des juges et passa de longues minutes à reprendre son souffle, se levant dès que ses muscles avaient cessés de trembler, car sinon elle savait qu’elle ne se relèverait pas tant la fatigue lui coupait les jambes. Elle marcha d’un pas titubant vers le fond de la grotte et vit qu’une dizaine de marque attestait qu’elle n’était pas la seule à avoir passé cette épreuve. Sur ceux-là, combien avaient réussi leur Ahn Ju ? Combien avaient tenté l’épreuve mais n’étaient même pas parvenu ici ? Elle sentit une vague de découragement la submerger et chancela. Ses mains coururent sur la muraille qui lui faisait face et s’engagèrent dans un sillon plus grand que les autres, lui permettant de ne pas s’affaisser. Elle porta son regard sur l’inscription et eut un sursaut d’énergie. Un des apprentis qui était passé par là avait gravé dans la pierre un mot unique qui la fit sourire :

« Courage. »
 
Les paroles de son guide lui revinrent et elle si dit que, bien plus que la rivière qui n’était en fin de compte que de l’eau, c’étaient ses propres émotions qui menaçait de la faire échouer. Elle sentit ses jambes se raffermir et, d’un effort de volonté qu’elle ne savait pas pouvoir fournir, se redressa et dégaina sa lame pour graver elle aussi un message à l’adresse des prochains élèves à passer cette épreuve.

« Emotions. »

Puis, elle se retourna et toisa d’un air de défi les maitres marchombres avant de retracer un parcours qui, cette fois, lui permettrait de contourner les rochers moussus. Elle n’en trouva pas. Quoi qu’elle fasse, elle devait forcément passer par le milieu de la rivière où tous les appuis étaient instables. Elle leva la tête pour vérifier sur le plafond était plus accueillant mais ce n’était pas le cas. Les stalactites qui la surmontaient étaient tous luisants d’humidité et elle se résigna à passer par l’eau. Alors qu’elle prenait son élan pour s’élancer malgré sa fatigue, une phrase de son maitre lui revint. Alors qu’elle avait encore failli tomber du dos de Souffle alors que, les mains solidement ancrées sur la selle, elle tentait de faire le poirier pendant que sa jument trottait :

« Le monde est constitué d’une multitude de forces qui ont chacune leurs particularités, à toi te t’ouvrir à elles pour les transformer en choix. »

Elle était remontée, des dizaines et des dizaines de fois avant d’attraper le bout d’un fil de compréhension, mais ils étaient arrivés ici avant qu’elle ait eu le temps de maitriser la pratique. Elle offrit un sourire à son maitre et s’avança jusqu’à la taille dans l’eau, s’abritant derrière les rochers pour voler l’élan des tourbillons et s’élancer, prenant de temps en temps appui pour se propulser tout en se concentrant sur ses sensations. Elle faillit se laisser emporter à la moitié du trajet mais puisa dans ses ultimes ressources pour rejoindre les maitres qui la regardaient avec, pour une fois, une lueur d’estime dans le regard.

« Epreuve réussi, dit celui qui lui avait présenté l’épreuve.
- Et Ahn Ju réussi, ajouta sa compagne. »

Elle émit un discret soupir de soulagement qui n’échappa à personne et étira ses muscles endoloris par les chocs. Ils remontèrent les nombreux escaliers qui menaient à la salle dur Conseil où son maitre l’accueilli avec un signe de tête approbateur avant de lui annoncer que trois autres apprentis avaient réussi leur Ahn Ju tandis que les deux autres étaient blessés, respectivement au bras et à la cheville. Ils quittèrent ensuite discrètement la salle, non sans avoir au passage salué Gyl qui la félicita de ses progrès et lui présenta sa propre apprentie : une petite rousse qui la fixa tranquillement de ses yeux pers. Si une once de jalousie s’incrusta dans son cœur, elle la repoussa d’une pichenette mentale et entama une conversation animée avec elle sur leurs entrainements respectifs. Ils s’enfoncèrent dans la nuit et rejoignirent l’appartement qui passait chez les marchombres de maitre à élève et où ils avaient établi leurs quartiers. Le lendemain, à l’aube, alors qu’elle n’avait dormi que quatre petites heures, il la réveilla pour la faire courir et lui faire déverrouiller toutes les portes d’Al Jeit.
Après cinq mois d’entrainement au sein de la ville, à s’introduire dans les maisons des nobles pour changer leurs vêtements de place, ce qu’elle trouvait proprement ridicule mais qui avait le mérite de lui faire travailler autant l’escalade et la discrétion que ses nouvelles compétences ; ils repartirent vers Fériane et il la laissa partir vers le Rentaï avec pour seules instructions un point sur une carte.
Elle se leva un matin avec un sac au pied de son lit, sac contenant des vivres et la dite carte. Elle sourit en se souvenant du cours avec le Frontalier qui avait commencé de la même façon avant de bondir de son lit, de prendre un solide petit déjeuner et de se mettre en route avec un sourire.
Pendant quatre jours, elle longea les montagnes de l’Est, se délectant la formidable paix qui l’emplissait et la faisait vibrer au rythme de la nature qui l’entourait. Puis, elle escalada les montagnes de l’est, savourant le vent sur son visage et la roche nue sous ses doigts. Quand elle tomba nez à nez avec la Voleuse, sa fraicheur l’enthousiasma et elle entama une désescalade de la falaise pour aller jouer avec elle. Forte de son expérience pendant l’Ahn Ju, elle passa trois jours de baignade glacée à parler avec elle avant d’en ressortir, revigorée et heureuse, et de reprendre son périple à travers les montagnes. Elle n’était pas pressée après tout… son maitre lui avait donné un mois. Un mois de découverte et de redécouverte où la seule consigne était de progresser.
Puis, le désert. Immensité mortelle, chaleureuse et froide, elle réunissait à elle seule l’eau et le feu et la fascinait. Elle prit conscience de l’importance de l’entrainement marchombre en déambulant parmi les dunes, se glissant sous sa garde pour caresser son cœur chaud et doux. Elle passa deux jours à caresser le sable, découvrant ses deux visages, nocturne et diurne, et ne l’aimant que plus. Subjuguée par tant de beauté, elle avait complètement oublié le Rentaï et la greffe qu’elle était venue demander et ne s’en rappela que quand la montagne lui apparu. Elle dirigea ses pas vers sa destination, laissant le vent effacer derrière elle sa première poésie marchombre.

Mer figée se tendant vers le ciel
Comme un ange aux ailes brisées
Qui danse avec soleil

Laissant son sac tomber à ses pieds sans même le remarquer, Liberté s’approcha, fascinée, de la chaine rocheuse qui lui faisait face. Son âme était ouverte en grand depuis presque deux semaines, aussi était-elle plus réceptive que jamais à l’aura presque animale qui se dégageait de cette montagne. Ses armes tombèrent au sol quand ses doigts décidèrent de dégrafer sa ceinture et ses bottes les suivirent, accompagnées de son armure de cuir souple. Uniquement vêtue d’une tunique de tissus aussi sombre que ses cheveux qui volaient au vent, elle attrapa sa première prise et, inspirant autant d’air que d’énergie, entama l’escalade. A partir du premier palier, la force sauvage de la montagne devint murmure. Murmure ? Elle sourit, les marchombres étaient-ils ceux qui avaient donné son nom au désert ?
Elle le sentit sinuer sur son corps, la caressant de ses notes aux teintes d’Harmonie, accompagnant ses moindres mouvements et s’infiltrant en elle à chaque inspiration. Elle continua sa route en s’infiltrant dans une faille proche, son compagnon de vent virevoltant entre ses pas. Elle enchaina les falaises et les failles, allant même jusqu’à franchir d’un saut un gouffre sans fond, portée par l’énergie du Rentaï qui circulait en elle. Elle finit par arriver au sommet de la montagne, émergeant directement dans une sphère de diamant qui brillait comme un phare et où le murmure devenait Chant.
Chant-Soupir qui couru sur sa peau désormais nue.
Chant-Caresse qui l’habilla quand elle se mit à entamer une danse sinueuse et souple dont les mouvements gracieux trouvaient leur source au plus profond d’elle-même.
Chant-Tourbillon qui la porta quand ses muscles crièrent grâce et emplissait ses poumons en feu après plus d’une heure de chorégraphie.
Chant suprême qui l’aspira au cœur de la montagne quand, sous la lueur reflétée mille fois de la Lune, elle sentit le sol se dérober sous ses pieds. La pierre était devenue liquide et elle tomba jusqu’à ce qui lui sembla être le cœur de la Terre où une voix à côté de laquelle le Chant qui l’emplissait n’était qu’un pâle écho résonna autour d’elle.

« Qui es-tu ?
- Liberté. »

Dans l’obscurité qui l’entourait, elle perçu un soupir lointain qui se rapprocha et l’empli au rythme de sa respiration. La nuit piquetée de lumières lointaines l’emplissait et lui murmurait des paroles incompréhensibles qu’elle ne chercha pas à analyser.

Ame de suie, larme de poussière

Les étoiles s’approchèrent, joueuses et curieuses.

« Nous allons y arriver. »

Elles l’observèrent un instant avant de la couvrir telle un soleil vivant.

Fille de Nuit, Sœur de Pierre

Liberté rayonne au cœur de la nuit, laissant la lumière s’incruster sous sa peau et dans sa bouche.

« Jouons. »

Elle ne voit plus, elle n’entend plus, elle ne respire plus, tout est lumière.

Bienvenue chez toi.

Une douleur fulgurante dévora sa chair, brûlant sa peau, anéantissant sa volonté et elle perdit conscience.
A son réveil, elle se trouvait au près d’une source d’eau clair dans laquelle elle se désaltéra et se lava, voulant se débarrasser de cette sensation de brûlure qui la hantait encore. Ce qui s’était passé dans le Rentaï lui apparaissait comme voilé et elle fronça les sourcils en tentant de se rappeler l’harmonie formidable qu’elle avait ressentie. Elle se dirigea ensuite vers l’endroit où elle avait laissé ses affaires, soupira d’aise en sentant la douce caresse du sable glacé de ce début de journée et s’habilla en vitesse avant de manger un morceau. L’état de ses affaires lui fit froncer les sourcils et elle se demanda fugitivement combien de temps elle était restée au sein de la montagne. Le Rentaï… lui avait-il accordé la greffe ? Elle n’avait rien remarqué d’inhabituel en se lava, aucune marque, aucune blessure qui aurait pu lui indiquer un changement et sentit son cœur s’accélérer. L’émotion qui tentait de la submerger trouva face à elle une barrière de volonté érigée en souvenir de l’Ahn Ju. Sa dernière épreuve lui revint à l’esprit et elle clama son cœur affolé : avec ou sans greffe, elle restait l’apprentie de son maitre et plus de la moitié du temps imparti était passé. Elle devait rejoindre à Al Jeit le jour de la lune sombre et elle avait hâte de savoir si elle avait le temps de faire un détour par la jungle d’Hulm qu’elle aurait bien aimé revoir. Le soir même, elle s’abandonna à la gestuelle afin de retrouver son équilibre et s’ouvrit au désert et au ciel qui lui livra la réponse tant attendue : il lui restait un petit peu plus d’une semaine, ce qui n’était malheureusement pas suffisant pour qu’elle revoie sa chère forêt.
Elle passa donc de longs jours de solitude à longer les Grands Océans, s’abandonnant au doux rythme des vagues pour noyer ses derniers doutes : elle retrouva la force tranquille qui l’avait habitée pendant son voyage et rentra l’esprit léger à la capitale qu’elle découvrit d’un œil neuf. Etait-il possible qu’une ville change du tout au tout à chaque seconde du temps qui passe ? La moindre variation de lumière semblait lui révéler des détails nouveaux, ou bien était-elle plus ouverte que jamais et sensible aux beautés du paysage fantastique qui l’entourait. Elle retrouva son maitre le soir même et, sans qu’un mot ne fût échangé sur son voyage, ils reprirent l’entrainement. Le regard clair qu’il posait sur elle semblait lire son échec mais il ne fit aucun commentaire, se contentant de lui servir son regard plus mystérieux que jamais. Elle sentit plus nettement que jamais qu’une page s’était tournée alors qu’elle continuait à avancer sur la Voie : l’obscurité avait une saveur nouvelle et la pluie des couleurs d’arc-en-ciel.

C’est un soir d’été, alors qu’elle était revenue du Rentaï depuis trois mois, qu’elle découvrit sa greffe. Alors qu’elle tentait de s’introduire chez l’empereur pour graver sur sa table de travail une marque quelconque, elle évoluait, souple et silencieuse, dans le palais quand elle se plaqua le long d’un mur en entendant un garde approcher. Se fondant dans l’ombre en tentant d’échapper à sa vue, elle calma sa respiration afin qu’il ne la repère pas et… s’enfonça dans le mur. Quand elle ressortit dans une chambre obscure, elle eut un cri de surprise alors qu’un savoir nouveau coulait en elle : le Rentaï lui avait accordé la greffe ! La chambre étant inoccupée, elle est profita pour tester sa nouvelle compétences, autant ses atouts que ses limites. Elle pouvait donc traverser les matériaux solides, en y laissant ses vêtements au passage : c’était tout ou rien ! Elle tenta vainement de traverser un vase dont les fleurs fraichement coupées trempaient dans l’eau et le rattrapa de justesse : visiblement, sa nouvelle capacité se limitait aux éléments solides. Elle jeta un coup d’œil par la serrure et, informée par son ouïe et sa vue que le couloir était désert, récupéra ses affaires qui, sombres comme la nuit, étaient passées inaperçues et se rhabilla en vitesse avant de remplir sa mission.
Cette découverte illumina ses yeux d’un feu nouveau et son maitre lui adressa un hochement de tête approbatif avant même qu’elle ait pu lui en faire part. Elle lui répondit d’un sourire et renonça à parler, préférant économiser son soufflet pour l’escalade des tours lisses qui suivit.
Au cours de la séance de gestuelle qui clôtura leur entrainement, elle analysa cette découverte et sortie de son état de transe avec un savoir nouveau : peu lui importait en fin de compte, qu’elle ait ou non reçu la greffe : elle n’en était pas moins marchombre et s’en était très bien passée durant ces dernières années.
« Les marchombres n’ayant pas obtenu la greffe restent marchombre. »
Lui avait dit son maitre le jour de son Ahn Ju.
Deux sourires firent concurrence aux étoiles cette nuit là, l’un et l’autre heureux mais le plus large empli de fierté.
   

Ses capacités s’épanouissaient au fil des saisons, la faisant progresser toujours plus loin sur la Voie et, par une belle journée de fin de printemps, elle et son maitre se dirigèrent vers un des rares sommets à être encore couvert de neige. Il portait en guise de bagage un grand sac de toile au contenu inconnu et, malgré ses regards insistants, il resta silencieux, envahi par les souvenirs. Ils laissèrent leurs chevaux au bon soin des bûcherons et continuèrent à pied. Au fur et à mesure qu’ils avançaient, l’hiver reprenait ses droits, d’abord se contentant de bannir l’ombre des rochers, puis s’enhardissant jusqu’à leurs pieds. Quand ils arrivèrent enfin devant la falaise, il sentit auprès de lui la présence d’Elidna, son maitre, qui lui souriait en lui tendant ses chaines. Il sourit à son tour et, après qu’ils se soient appareillés, lui présenta son fardeau. Avec un regard d’incompréhension, elle recula de quelques pas et il l’a suivi sans pour autant la forcer à s’entraver. Il attendait.
Dans son regard, défilèrent des Ombres plus denses encore que celles qu’il avait vues disparaître chez les Frontaliers. Ce qui rendait d’autant plus important ce qu’ils allaient faire.
Ils restèrent longuement ainsi, à se dévisager, avant qu’elle ne lui tende ses poignets. Il acquiesça intérieurement et les referma sur ses poignets et ses chevilles, relevant au passage le léger tremblement qui l’agitait sans toutefois faire un commentaire. Il lui présenta la montagne et commença l’escalade sans un regard en arrière. Il entendait, comme en écho à ses propres émotions, le cœur de son apprentie et ses pensées sombres qui résonnaient dans les bruits de chaines. Il l’observait du coin de l’œil, à la fois maitre et élève, et suivit son combat intérieur avec émotion. Chaque élève avait un passé particulier et, s’il ne l’avait jamais interrogée à ce sujet, il sentait en elle une tempête qui surgissait de ses entrailles, présente auparavant comme un soupir sur un nuage mais qui à présent se déchainait.  
Il la voyait se débattre et savait qu’elle aurait sans doute pu passer à travers de ses chaines. Le fait qu’elle ne l’ait pas fait était un premier pas, à elle de trouver la suite de la route.
Il la regarda se battre avec elle, se battre avec la montagne, se battre avec ses chaines… puis s’arrêter.


Liberté haletait, les chaines que lui avaient passées son maitre lui sciaient les poignets et la contraignaient à des prouesses de force et de combattivité pour avancer de quelques mètres. Elle était perdue. Force et combativité ne faisaient pas parties de sa vision du marchombre et elle ne comprenait pas. Il n’avait auparavant jamais cherché à la contraindre et c’est avec l’espoir d’une nouvelle leçon qu’elle avait accepté. Son passé d’esclave était revenu en force et s’ajoutait à sa fatigue pour la faire chanceler dans l’espoir de la voir tomber. Ebranlée à l’extérieur comme intérieurement, elle s’arrêta sur une corniche qui lui offrait un peu de répits et regarda derrière elle. Au sens propre comme au sens figuré.
Elle revit ses peines et ses joies, sa rencontre avec Gyl puis avec son maitre, sa folle escalade du Rentaï après son Ahn Ju. Tant de choses qui l’avaient conduite à… se faire enchainer de nouveau. La vie était-elle un cercle sans fin ? Elle se laissa submerger par une mélancolie teintée de désespoir et abaissa toutes ses barrières dans l’espoir de voir sa conscience balayée par le vent qui cherchait à la faire chuter.
Elle chancela mais ne chuta pas.


Il sentait qu’elle commençait à comprendre quand, imperceptiblement, elle modifia son centre de gravité pour retrouver l’harmonie avec la falaise et, quand elle tourna enfin son regard vers lui, les ombres étaient plus présentes que jamais mais avaient retrouvées leur place. Elles donnaient de la profondeur à ses yeux qui ne cherchaient plus à les cacher. Une larme de reconnaissance tenta de couler sur sa joue mais elle se transforma en perle de glace, jumelle de celle qu’il lui offrit en retour.
Quand ils arrivèrent enfin au sommet après des heures de bonheur, il la laissa contempler l’immensité qui les entourait et, léger comme un nuage, la libéra de ses chaines.
« Tu es libre. »
Elle lui adressa un sourire moqueur et s’apprêtait à lui lancer une de ses piques qu’ils échangeaient souvent avant de se figer. Aucun son ne sortit de sa bouche et quand il ouvrit les bras, elle s’y précipita pour le serrer contre son cœur et tremper sa tunique de larmes qui se figèrent, témoins éternelles du lien qui les avait unis. Après de longues minutes de silence ponctué de sanglots, il la dégagea doucement et se recula.
« Au revoir, Liberté. »
C’était la première fois qu’il utilisait son prénom et elle écarquilla les yeux avant de lui adresser un sourire hésitant.
« Au revoir…
- Glen, lui confia-t-il avec un clin d’œil.
- Au revoir, Glen. »
Elle savoura un instant la sonorité du nom  avant de redescendre de la montagne, laissant les chaines au bon soin de la neige. Quand elle ne fut plus qu’un point noir au milieu de la glace, le vent recueilli ses propres larmes.


Malgré ses longues foulées, elle ne parvenait toujours pas à le rattraper.
Après qu’elle ait fini son apprentissage, elle avait entamé avec Souffle un tour de Gwendalavir semblable à celui qu’elle avait fait avec Gyl. Après deux ans de voyage, elle s’était aventurée en pays faël et avait été accueillie avec joie parmi ses anciens amis. Pendant une longue et belle année, elle avait parcouru en leur compagnie les innombrables montagnes qui jalonnaient le pays avant de redescendre et de retourner à Al Far où elle passa quelques jours en compagnie de ses parents adoptifs avec lesquels elle s’était réconciliée. Ne tenant pas en place, elle avait visité Ombreuse qui, débarrassée des Mercenaires mais pas des légendes, lui avait offert un long moment de répit. Elle était ensuite retournée à Al Jeit où elle avait retrouvé Gyl et son maitre avec lesquels elle était allée narguer l’empereur avec gentillesse, lui apportant chaque jour une fleur sur son bureau.
Elle était ensuite repartie vers l’ouest et Al Vor où elle était à présent.
Le fuyard la distançait toujours de quelques mètres, semblant avancer au même rythme qu’elle pour l’inciter à le suivre. Accélérant encore un rythme qu’elle aurait trouvé démentiel quelques années plus tôt, elle le suivit au cœur de la ville basse, concentrée sur son objectif sans toutefois ignorer la présence des malfrats qui guettaient leur proie dans l’ombre. Elle était néanmoins trop rapide pour eux et ils la laissèrent tranquille.
Quand elle se retrouva face à une impasse, elle s’immobilisa. La broche qu’il lui avait dérobé alors qu’elle venait de l’acheter était là, l’attendant tranquillement sur un pavé un peu plus propre que les autres, pourtant, ce n’était pas elle qui l’intéressait. Dans le mur qui lui faisait face, une Porte de bois était ouverte, l’appelant à la traverser pour visiter la ville à la fois différente et étrangement semblable qu’elle percevait au travers. Elle s’avança, subjuguée, ramassa d’un geste nonchalant son bien sans pour autant la quitter du regard, comme si elle allait disparaître si elle clignait des yeux. Quand elle toucha du bout des doigts le bois sombre, elle sursauta. Le contact lui paraissait familier, pourtant elle était sûre de ne jamais avoir touché à ce passage. La Porte ronronna sous ses doigts et prit une profondeur inattendue, comme pour l’inciter à passer de l’autre côté.
Un pas plus tard, la Porte se refermait doucement sans cesser de briller et Liberté s’avança, curieuse, pour découvrir la ville qui lui faisait face.
Elle ne savait pas où elle était mais une chose était sûre : ce n’était pas en Gwendalavir.


[Explications greffe] : Elle peut traverser n’importe quel matériau solide sauf le diamant (mais elle ne le sait pas encore) mais ne peut pas respirer dedans ce qui limite son temps d’immersion. Elle est incapable de traverser un liquide. Elle est incapable de traverser la chair (à cause du sang qui est considéré comme un liquide). Elle lui a été attribuée car elle descend d’une lignée de Bâtisseurs, mais elle l’ignore.


Dernière édition par Liberté Sanfamï le Jeu 4 Juil - 12:51, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Je suis [Sanfamï] et je m'appelle [Lybie], et je me balade dans la vie!   Je suis [Sanfamï] et je m'appelle [Lybie], et je me balade dans la vie! EmptyMer 3 Juil - 10:20

Bienvenue ! Smile

Alors, elle est bien longue cette histoire ( et était attendue !).

Pour la greffe, j'attends l'avis de Pandore, mais pour moi elle peut seulement traverser en entier, c'est déjà pas mal (pas de désolidarisation des membres du corps).
Mis à part cela, tout me semble en ordre !
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MessageSujet: Re: Je suis [Sanfamï] et je m'appelle [Lybie], et je me balade dans la vie!   Je suis [Sanfamï] et je m'appelle [Lybie], et je me balade dans la vie! EmptyJeu 4 Juil - 10:12

Eh bien, que voilà une longue histoire intéressante (et attendue)!Very Happy 
Pour la greffe, ton explication me paraît pas mal et cohérente ! Mais je suis d'accord avec Lew, hors de question de désolidariser les membres du corps Wink
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MessageSujet: Re: Je suis [Sanfamï] et je m'appelle [Lybie], et je me balade dans la vie!   Je suis [Sanfamï] et je m'appelle [Lybie], et je me balade dans la vie! EmptyJeu 4 Juil - 12:50


D'accord^^ Merci à vous et désolée du retard ><
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MessageSujet: Re: Je suis [Sanfamï] et je m'appelle [Lybie], et je me balade dans la vie!   Je suis [Sanfamï] et je m'appelle [Lybie], et je me balade dans la vie! Empty

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